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leurs grands falbalas. C’était assez bien pour babiller dans un salon, écrire les Lettres péruviennes, servir de modèles aux héroïnes de Crébillon fils et tenir tête aux héros de Rosbach. Ceux de Rocroy et de Lens, les contemporains de Richelieu, de Descartes et de Corneille, les hommes énergiques et un peu rudes qui ont précédé Louis XIV, et qui se plaisaient à vivre d’une vie agitée, sauf à la finir comme Pascal et Rancé, n’eussent pas été tentés de se mettre à genoux devant d’aussi frêles idoles. Osons le dire : le fond de la vraie beauté comme de la vraie vertu, comme du vrai génie, est la force. Sur cette force, répandez un rayon du ciel, l’élégance, la grace, la délicatesse ; voilà la beauté. Son type achevé est la Vénus de Milo, ou bien encore cette pure et mystérieuse apparition, déesse ou mortelle, qu’on nomme la Psyché ou la Vénus de Naples. La beauté brille encore assurément dans la Vénus de Médicis, mais on sent déjà qu’elle décline ou va décliner. Regardez, je ne dis pas les femmes de Titien, mais les vierges mêmes de Raphaël et de Léonard : le visage est d’une délicatesse infinie, mais le corps est puissant ; elles vous dégoûteront à jamais des ombres et des magots à la Pompadour. Adorez la grace, mais en toutes choses ne la séparez pas trop de la force, car sans la force la grace se ternit bien vite, comme une fleur séparée de la tige qui l’anime et la soutient.

C’est Florence, ce sont ses artistes et ses princesses qui apportèrent en France le sentiment de la vraie beauté. Il s’y développa rapidement, et, par des causes diverses que je ne puis pas même indiquer ici, il régna parmi nous presque jusqu’à la fin du XVIIe siècle.

Quelle suite de femmes accomplies ce siècle nous présente, environnées d’hommages, entraînant après elles tous les cœurs, et répandant de proche en proche dans tous les rangs ce culte de la beauté que d’un bout de l’Europe à l’autre on a appelé la galanterie française ! Elles accompagnent ce grand siècle dans sa course trop rapide ; elles en marquent, elles en éclairent les principaux momens, à commencer par Charlotte de Montmorency, à finir par Mme de Montespan. Mettez au milieu la connétable de Luynes, depuis la duchesse de Chevreuse, Mme de Montbazon, Mme de Guémenée, Mme de Châtillon, la Palatine, et tant d’autres parmi lesquelles, à mon extrême regret, je n’oserais placer Mlle de La Vallière, et suis bien forcé de mettre Mme de Maintenon. Mme de Longueville a sa place dans cette éblouissante galerie. Elle avait tous les caractères de la vraie beauté, et elle y joignait un charme particulier.

Elle était assez grande et d’une taille admirable. L’embonpoint et ses avantages ne lui manquaient pas. Quoi qu’en aient dit des gens mal informés, qui la peignent telle qu’elle a pu être aux Carmélites et à Port-Royal, elle possédait, je ne puis en douter en regardant les portraits authentiques qui sont sous mes yeux, ce genre d’attraits qu’on prisait si fort au XVIIe siècle, et qui, avec de belles mains, avait fait la