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une fois qu’ils auront résolu de l’avoir, ne se décourageront pas qu’ils ne l’aient : ils iront là comme ils vont partout, toujours le go-a-head.

Ce n’est pourtant pas seulement l’approche ou la fréquentation des Occidentaux qui menace ou qui trouble la sécurité de ces vieux empires. La Chine en particulier semble en proie à une sorte de dissolution. Le mouvement insurrectionnel qui s’était élevé dans les provinces de Kwang-si et de Kwang-tang se prolonge encore, et le commerce extérieur s’en ressent même beaucoup. Les rumeurs de cette révolte pénètrent plus ou moins vaguement jusqu’à Hongkong ; elle serait plus redoutable qu’on ne l’avait cru d’abord. Les villes de Ho et de Kai-Kien passent pour avoir été mises à feu et à sang. La révolte est un véritable brigandage, et le brigandage s’étend si bien dans tout l’empire, que les consuls étrangers ne sont plus même en sûreté dans les villes où ils ont leur pavillon. Les Chinois d’ailleurs ne comprennent rien aux usages et aux idées de l’Europe en matière de droit des gens : le respect du pavillon ne commence à les gagner que lorsqu’ils le savent appuyé par les canons de la marine. Les mandarins sont impuissans à réprimer ces attaques, qui se passent en plein jour ; des bandes entières de voleurs armés s’emparent des rues les plus fréquentées et se retranchent dans les maisons. Nous ne pensons pas sans émotion à la vie que mènent nos agens au milieu de ces périls continuels et sous ce climat qui use toutes leurs forces ; ils ont à lutter sans cesse contre des obstacles dont on ne se fait guère ici d’idée ; ils dépensent leur énergie en efforts qui restent trop souvent obscurs. Il appartient au gouvernement de ne point perdre de vue ces utiles services, et de savoir les récompenser à propos.

ALEXANDRE THOMAS.


LA REINE MARIE-ANTOJNETTE, DE M. PAUL DELAROCHE[1].

« On appela la reine pour entendre son arrêt… Elle l’écouta sans prononcer un seul mot et sans faire un seul geste. Hermann lui demanda si elle avait quelque observation à faire sur la peine de mort portée contre elle. Elle secoua la tête et se leva comme pour marcher d’elle-même à l’exécution. Elle dédaigna de reprocher sa rigueur à la destinée et sa cruauté au peuple. Supplier, c’eût été reconnaître. Se plaindre, c’eût été s’abaisser. Pleurer, c’eût été s’avilir. Elle s’enveloppa dans le silence qui était sa dernière inviolabilité. Des applaudissemens féroces la suivirent dans les profondeurs de l’escalier qui descend du tribunal à la prison. Les premières lueurs du jour commençaient à lutter sous ces voûtes avec les flambeaux dont les gendarmes éclairaient ses pas. Il était quatre heures du matin. Son dernier jour était commencé. »

Le sujet de la nouvelle composition de M. Paul Delaroche est renfermé tout entier dans ces quelques lignes. On nous a assuré que ce tableau avait été conçu et commencé avant la révolution de février, vers 1847. Ce doit être après la, lecture et sous l’inspiration de ce passage de la fatale Histoire des Girondins,

  1. Ce tableau est la propriété de MM. Goupil et Cie, qui en ont fait l’acquisition pour le reproduire par la gravure.