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ayant un père et un mari généraux romains. Un contemporain nous la représente, dans une querelle domestique, reprochant à Aëtius sa mésalliance et l’excitant à s’emparer du trône des Césars, afin qu’elle ne regrettât plus celui des Balthes. Aëtius, toujours prêt à profiter de la fortune, avait accepté du tyran Joannès l’intendance du palais impérial et la mission qu’il venait de remplir près des Huns ; il attendait maintenant, dans l’attitude d’un chef indépendant, ce que le nouveau gouvernement déciderait de lui.

La régente ne perdit pas un moment pour le rassurer. Traitant de puissance à puissance avec son général, elle le confirma dans tous ses grades et lui donna la maîtrise militaire des Gaules, et ses Huns, largement indemnisés, retournèrent dans leur pays. Aëtius voulut cependant en garder un corps d’élite qui le suivit au-delà des Alpes, et qui ne reconnaissait guère, on peut le supposer, d’autre maître que lui. Le nouveau commandant des Gaules se mit de tout cœur à la tâche difficile de rétablir l’ordre dans ces provinces si profondément troublées. Quant à la régente, heureuse d’en être quitte à ce prix, elle put vaquer tranquillement à la restauration de l’unité catholique, ce système politique et religieux de Théodose, auquel sa famille restait indissolublement attachée.


II

Pour bien faire comprendre la nature du système d’unité, son importance à l’époque dont nous parlons, et sa liaison avec le passé et l’avenir de l’empire romain, il est nécessaire de donner quelques explications sur la marche suivie par le christianisme entre le règne de Constantin et celui de Théodose.

Constantin, qui fut, si l’on me permet ce mot, l’organisateur légal du christianisme, lui conquit dans la loi romaine une place à côté du polythéisme national comme seconde religion de l’état ; mais il n’y avait pas d’égalité possible au fond entre une religion vieillie, persécutrice,et vaincue, et une religion jeune, confiante dans sa destinée et victorieuse des persécutions, et quand bien même la force des choses l’eût permis, le zèle de l’empereur néophyte, l’intérêt de l’empereur ambitieux en eussent décidé tout autrement. Le nouveau culte arrivait, dès le règne de Constantin, à une prééminence incontestée, lorsqu’il se scinda en deux grandes églises rivales par suite des guerres de l’arianisme, et le prince organisateur du christianisme légal mourut avec l’amer regret de laisser son œuvre compromise.

Le mal s’envenima sous Constance son fils, esprit brouillon, infatué de prétentions théologiques, fabricateur infatigable de symboles ariens qu’il démontrait à main armée, et prince aussi aveugle que détestable