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romaine, il fut de cœur et d’ame au service du pape et de M. Rossi en particulier, tant que le poignard et les balles des assassins n’eurent pas tout perdu. Enfin, pour ce qui regarde les affaires de l’Allemagne. M. de Usedom n’a jamais craint de tenir tête au courant dangereux où la politique prussienne et l’orgueil national les ont trop souvent précipitées. Il s’est déclaré hautement contre l’hégémonie que la Prusse voulait s’attribuer aux dépens de l’Autriche, contre l’union des trois rois, contre la charte germanique du 28 mai, contre toutes les espérances d’agrandissement presque révolutionnaire que la Prusse et son gouvernement ont tour à tour arborées. Il ne s’est, en un mot, laissé prendre à aucun des piéges du mouvement de 1848. Tels sont les antécédens de M. de Usedom, et cependant il juge aujourd’hui nécessaire d’employer l’autorité qu’ils lui assurent à contre-carrer la marche et les desseins des ultras qui préparent, qui commencent la destruction du régime constitutionnel en Prusse. Il adresse à ses électeurs une lettre où se rencontrent des passages trop frappans pour que nous n’en tirions point nous-mêmes quelque parti. Notez-le bien, c’est un esprit précautionneux et réservé qui n’a point adopté sans restriction ce qu’il nomme le constitutionalisme moderne ; mais il ne se résignera jamais à dire que la constitution prussienne soit un pur produit du dévergondage de mars 1848. « La tendance de cet âge vers les institutions parlementaires est, croit-il, un fait plus ancien et plus profond que la révolution de mars ; ce n’est pas en abolissant une constitution et puis l’autre que l’on prévaudra contre un pareil fait. » Et encore : « Une armée, si solide soit-elle, ne vaut pas pour la sécurité du pays une bonne organisation légale ; craignons de voir insensiblement se refaire contre tous les pouvoirs établis cette haine sourde et inexpiable qui couvait en Allemagne avant 1848, et qui a éclaté d’une façon si furieuse à la nouvelle de la révolution de février, puisqu’elle a donné les effets d’une révolution à une émeute de carrefour ! »

M. de Usedom exhorte ainsi les fanatiques de l’extrême droite, qui pèsent si lourdement sur le ministère, à ne point se faire d’illusion trop complaisante, à ne point croire trop vite à la promptitude, à la durée de leur triomphe, à ne point en abuser pour qu’une mauvaise chance n’en vienne pas tirer un deuil universel. Ces paroles, émanées d’une si haute expérience, sont la meilleure preuve à l’appui du jugement que nous portons sur la situation générale de l’Allemagne. Le péril est derechef du côté où il était avant 1848 ; il n’est plus comme après les émeutes de mars dans l’offensive révolutionnaire : il est, comme en 1847, dans la défensive inintelligente des faux conservateurs.

Le congrès espagnol s’est constitué définitivement après un assez grand nombre de séances employées à la vérification des pouvoirs. Si l’on approfondissait bien ces sortes de discussions, on verrait peut-être qu’en somme c’est le problème de l’existence du gouvernement représentatif dans les pays méridionaux qui s’y agite, et certes le problème mériterait d’être étudié. Quoi qu’il en soit, à travers les incertitudes inséparables du début d’une législature, une majorité assez grande s’est prononcée dans les cortès en faveur du ministère espagnol. Ainsi la perspective d’une crise nouvelle semble s’être évanouie en ce moment. Ce n’est point qu’il n’y ait dans le congrès beaucoup d’élémens d’opposition ; mais ces élémens n’ont pas de lien entre eux et ne peuvent pas même en avoir. Quel rapport, quelle action commune établira-t-on jamais entre le