dicte place longuement estre et demourer en son obéissance ; » qu’il fallait y appeler le plus de monde possible, et que « par ce moyen Grantville seroit en plus grant seureté et au temps à venir pourroit entre cause du recouvrement de nostre payz de Normandie. » Sur ces considérations, le roi Charles VII exempta de toutes tailles et redevances quelconques ceux qui viendraient demeurer à Grantville, leur fit délivrer gratuitement des emplacemens pour bâtir, et fonda un marché du samedi qui, depuis quatre cents ans, n’a pas cessé d’être un des plus fréquentés de la province. C’est ainsi que fut fondé Granville. Cette possession ne servit point, comme l’avait espéré Charles VII, à la délivrance de la Normandie ; mais, si elle était restée entre des mains ennemies, les conséquences de la bataille de Formigny (1450) auraient risqué d’être moins complètes, et les Anglais auraient pu garder longtemps encore un pied sur notre territoire.
Pendant le siècle suivant, les réformés prétendirent établir à Granville le foyer de leurs intelligences avec les Anglais. Le siège qu’ils en firent infructueusement en 1562 et le point de ralliement qu’y trouvèrent nos forces lors de la descente de 1574 en firent de nouveau ressortir l’importance stratégique.
Vauban visita Granville en 1681 et en 1685. Fidèle à la pensée de fonder la puissance des villes maritimes sur le développement du commerce et de la navigation aussi bien que sur l’établissement de travaux directs de défense, il proposa de creuser jusqu’au niveau de la mer moyenne la coupure de l’isthme et de jeter un pont au-dessus, de creuser un bassin à flot en arrière du port d’échouage, au débouché de la vallée de la Bosq, et de construire un brise-lame extérieur. Ce dernier ouvrage aujourd’hui empâté dans le nouveau môle, fut seul exécuté, et il est très regrettable que le reste du projet ne l’ait point été. À l’avantage militaire d’un isolement facultatif complet, la ville haute eût joint celui d’une communication facile avec la terre ferme ; le bassin, abrité dans une gorge profonde, aurait été enveloppé par la ville commerçante, et le roc avec ses dépendances lui aurait servi de bouclier du côté de la mer.
En 1688, toutes nos forces étant occupées en Allemagne, en Irlande et en Espagne, Louis XIV craignit que les Anglais ne s’emparassent de Granville, qu’on ne se croyait pas en état de défendre, et en fit démolir les fortifications. Vauban fut étranger à cette résolution. « Je ne parlerai de Granville, dit-il dans une lettre datée du 30 novembre 1694, que pour dire que, si le dessein que j’en avais fait avait été suivi, elle serait devenue en peu de temps la meilleure place du royaume, de la moindre garde, et n’aurait pas coûté 400,000 liv. Elle est de bon commerce et a un port assez bon pour tous bâtimens qui peuvent échouer. Elle est fort éloignée de toutes autres places et située sur un lieu des