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réunis pour nous attaquer le lendemain. Ces contingens avaient pris position dans une ravine non loin du camp. Le général Saint-Arnaud résolut de les prévenir et de les faire attaquer pendant qu’une brigade raserait les Ouled-Ascars, nos ennemis de la veille. Le général Bosquet eut à se charger des Ouled-Aouns ; les Ouled-Ascars furent le partage du général Luzy. Après ces débuts heureux, les troupes étaient, selon l’expression du soldat, en confiance dans la main du chef ; on pouvait tout leur demander, mais c’était le lendemain que devaient commencer les plus rudes fatigues.

Lorsque pour tout chemin il y a un étroit sentier de deux pieds de large, descendant à pic les ravins, courant le long des escarpemens, à droite, à gauche, dominé par des rochers, des bois épais ; quand souvent même ce sentier vient à manquer et qu’il faut le tailler dans le terrain pierreux, c’est une rude tâche que de protéger un convoi qui s’allonge homme par homme, bête de somme par bête de somme, sur un espace de plus d’une lieue et demie. Pour mettre les vivres, les munitions de réserve et les blessés à l’abri d’un ennemi audacieux, agile, nombreux et déterminé, il faut l’entourer d’une haie vivante. L’avant-garde, suivant l’étroit sentier, fraie la route. À droite et à gauche, sur le flanc du convoi, des bataillons ont l’ordre de marcher parallèlement à sa hauteur, quel que soit le terrain, détachant des compagnies, occupant en entier, s’il est nécessaire, les positions qui dominent le chemin. On comprend maintenant quelle est la fatigue du soldat, chargé d’un sac rempli de vivres, quand, durant une journée entière, du point du jour au coucher du soleil, il coupe à travers un pays bouleversé, sans cesse la cartouche aux dents, le fusil à la main. L’arrière-garde vient ensuite ; c’est elle d’ordinaire qui a la plus grande part dans la lutte. Le général Saint-Arnaud avait donné l’ordre que, d’intervalle en intervalle, le convoi fût divisé par des compagnies d’infanterie, tant il craignait de le voir coupé. Les renseignemens étaient exacts ; le pays parcouru jusqu’alors par la colonne semblait une plaine en comparaison de celui qu’elle traversait dans la journée du 13. Tout se passait cependant avec ordre. Le convoi, pressé par les sous-officiers du train, serrait sans perdre de terrain ; les positions occupées tour à tour assuraient son passage, et l’ennemi, bien qu’il fût hardi et nombreux, était maintenu à distance.

À l’un des passages difficiles, sur le flanc gauche, il y avait une position importante, car elle dominait complètement le sentier des mulets. Les zouaves l’avaient occupée les premiers, le 16e léger et le commandant Camas ensuite. La marche des flanqueurs amena pour les remplacer deux compagnies du 10e de ligne, nouvellement arrivées de France ce régiment se trouvait pour la première fois jeté dans la fournaise, il n’était point encore façonné à la souffrance, et ces ennemis sauvages