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les mouvemens d’un coup d’œil, prêt à réparer le moindre accident. Les coups de feu remontent bientôt la montagne ; le piton de droite est escaladé par les zouaves ; leur turban vert paraît au sommet. Ils jouent de la baïonnette et jettent les Kabyles du haut des roches. — Saute, s’il vous plaît, monsieur Auriol ! disait l’un d’eux en regardant un Kabyle qui venait de faire la cabriole devant sa baïonnette, et, tout riant, il essuyait le sang de sa joue légèrement entaillée par la flissa du montagnard. — Sur la gauche en même temps, les tambours battent, les clairons sonnent, le col de Menazel est enlevé. Chefs et généraux viennent faire leur rapport, et n’ont qu’à témoigner de la bravoure de leurs soldats.

Les troupes reprirent haleine. Chacun essuya la sueur glorieuse du combat. On apportait alors un à un aux chirurgiens militaires ceux que les balles kabyles avaient frappés, et, tandis que le lourd convoi se traînait péniblement dans les étroits sentiers, les soldats, libres maintenant de tout souci, s’abandonnaient au repos. Plus d’un regardait avec étonnement du haut de ces crêtes les escarpemens qu’il avait parcourus dans l’ardeur de la lutte, et à cette vue seulement il songeait à la fatigue. Quelques compagnies maintenaient à distance les Kabyles ; mais, lorsqu’il fallut descendre les pentes opposées pour gagner El-Aoussa, où l’on devait bivouaquer, le général Saint-Arnaud, craignant de voir tous les efforts de l’ennemi se porter sur l’arrière-garde, donna l’ordre aux deux généraux de brigade, MM. Bosquet et de Luzy, de garder leur position jusqu’à l’entier défilement du convoi. On marcha de longues heures ; la nuit était venue avant que les troupes eussent atteint le lieu du repos. Bien des coups de fusil s’échangèrent encore ; l’arrière-garde fut parfois rudement attaquée. Le colonel Jamin, qui depuis le matin se montrait digne de la délicate mission confiée à son intelligence et à sa vigueur, prenait place à huit heures du soir, avec les dernières compagnies, dans la ligne du camp, d’une défense difficile. Si l’eau avait forcé de s’établir là, le général Saint-Arnaud du moins s’était promis d’empêcher les Kabyles de venir troubler le sommeil de sa troupe. Aussi toutes les positions militaires furent-elles occupées même à de grandes distances par des bataillons. La légion étrangère reçut l’ordre de passer la nuit sur un piton séparé du camp par un bois qu’elle devait surveiller avec soin. En se rendant à son poste, elle trouva déjà une troupe ennemie qui s’y était logée. Les Kabyles préparaient tranquillement leur repas en attendant l’heure de l’attaque. Aussitôt une chasse vigoureuse aux Kabyles commença à travers les arbres, et toute la nuit les grand’ gardes eurent l’œil et l’oreille au guet, de telle sorte que pas un montagnard ne tenta l’aventure.

M. le commandant de Neveu, chef du bureau arabe, avait appris par ses espions que de nombreux contingens des Ouled-Aouns s’étaient