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Il est vrai que M. James Fazy s’est vu obligé de subir la loi commune et inexorable qui tôt ou tard atteint tous les agitateurs révolutionnaires. Il a dû, si ce n’est par goût, du moins par politique, satisfaire les exigences des hommes dont l’appui fait sa force. Or, la plupart de ces hommes n’ont que des passions et des instincts, tandis que leur chef affichait la prétention d’avoir des principes ; et, en obéissant à leur impulsion, le gouvernement est entré dans une voie où il ne peut faire un pas sans se heurter contre les écueils de l’arbitraire et de la violence. C’est ainsi que tout récemment la Société des Arts, composée d’environ cinq cent soixante membres, qui a rendu tant et de si grands services, vient d’être expulsée du bâtiment du musée qu’elle occupait conformément au désir exprimé par les donatrices de ce bâtiment et d’après une convention faite avec la ville. Non-seulement on l’a mise à la porte, mais encore elle se voit réduite à recourir aux tribunaux pour demander qu’on lui restitue ses collections et sa bibliothèque. Des citoyens qui se rassemblent et unissent leurs efforts pour encourager les arts, qui ouvrent des écoles pour la jeunesse et font donner des cours presque gratuits à l’usage des ouvriers, qui se cotisent pour subvenir aux frais d’une exposition publique de peinture et à l’achat des tableaux jugés les plus dignes : quel crime abominable ! Aussi les formes les plus brutales du despotisme ont été employées contre eux. C’est fort peu républicain sans doute, mais les radicaux ne veulent plus de ces nids d’aristocrates, comme ils les appellent, où l’on se permet de perpétuer les vieilles traditions du véritable patriotisme, généreux et dévoué, qui a fait jadis la renommée de Genève. Ils entendent être seuls les maîtres partout, et, comme le disait naguère un de leurs magistrats dans le grand conseil, ils préfèrent, l’enseignement de la cantine à celui des académies. Réussiront-ils à vaincre les résistances tenaces que l’esprit genevois leur oppose sur ce point ? C’est douteux, à moins toutefois que le parti catholique n’ait résolu de leur prêter son appui jusqu’à ce qu’il ne reste plus un rayon de lumière dans la cité de Calvin. En effet, c’est à ce parti que revient la plus grande part de responsabilité, car les élections du consistoire de l’église nationale, faites le mois dernier, ont prouvé pour la seconde fois que la majorité dans la population protestante appartient toujours aux conservateurs, et tend à s’accroître plutôt qu’à diminuer.

Quoi qu’il en soit, Genève radicale a vu successivement toutes ses liberté, attaquées et amoindries. En échange des bienfaits dont elle jouissait, de l’aven même de M. James Fazy, la révolution lui a donné des douanes, une bureaucratie