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cette prise d’armes, Quatrepié fut tué sous les murs de Caen. La guerre étouffée sur un point se rallumait sur un autre. Un paysan, Lecarnier, souleva les habitans du pays de Caux ; Lecarnier et ses Cauchois, aidés de quelques capitaines de Charles VII, emportèrent Harfleur d’assaut, et en moins de six semaines ils prirent Fécamp, Montivillers, Graville, les Loges, Valmont, Arques, Lillebonne, Tancarville, Saint-Valéry. Ces bandes furent détruites comme les premières ; mais le signal était donné, et quelques années plus tard la terre, normande fut délivrée de ses oppresseurs, car c’est là le seul mot qui convienne, et l’on peut dire que la domination anglaise en France ne fut qu’un véritable brigandage. Le travail de M. Puiseux n’est qu’une esquisse très rapide ; mais, dans une note, il promet sur le même sujet une étude plus étendue et plus complète. Nous ne pouvons que l’engager à donner tous ses soins à ce tableau historique, en lui recommandant toutefois de mettre plus d simplicité dans le style et de se défier des exordes et des péroraisons à effet. La devise d’un de nos plus grands hommes de guerre, res non verba, doit être aussi celle des érudits.

La bibliographie qui intéresse si directement l’histoire, et qui sert de point de départ indispensable à toutes les recherches, la bibliographie a été l’objet de quelques études intéressantes. Bien avant l’Académie des Sciences morales, le secrétaire perpétuel de l’académie de Caen, M. Julien Travers, avait senti la nécessité de répandre dans les campagnes, par l’attrait de la lecture et surtout par le bon marché des livres, des connaissances utiles et de bons sentimens. En homme qui a vu les choses de près et qui se défie des églogues transportées dans l’économie sociale, M. Travers s’est demandé s’il était possible et comment il était possible de détrôner les Véritables Liégeois et les Mathieu Laensberg, ces livres sibyllins du cultivateur et du berger. Pour déterminer ce qu’il fallait faire dans ce genre, il a cherché ce qu’on avait fait, et il a dressé, depuis l’origine même de leur apparition, le catalogue raisonné et critique des almanachs et des annuaires de la Manche et du Calvados. L’annuaire qui constitue en province l’aristocratie des almanachs, a subi depuis plusieurs années bien des vicissitudes : purement statistique à l’origine, il est devenu agricole, industriel, historique et littéraire. En raison même de ce progrès, les annuaires de province, jusqu’à ce jour, n’ont obtenu faveur qu’auprès des classes éclairées et riches ; ils ne prédisent ni les révolutions, ni la mort des grands personnages, ni les crimes intéressans qui excitent à un si haut degré les sympathies de la foule. Ils sont tout simplement positifs et instructifs : c’est là un grand obstacle aux succès populaires, et de plus ils coûtent 50 centimes, ce qui représente pour un grand nombre de lecteurs la moitié d’une journée de travail, et pour beaucoup d’individus un inconvénient que ne compensent ni les avantages d’une instruction solide, ni l’attrait d’une lecture sérieuse. Nous recommandons le travail de M. Julien Travers aux philanthropes naïfs qui traitent à Paris, du fond de leur cabinet, l’importante question de l’instruction primaire, et qui s’occupent, du point de vue académique, de la diffusion des lumières. Nous ne voulons point railler leur zèle et leurs efforts, mais nous croyons que de long-temps encore Mathieu Laensberg l’emportera dans les campagnes sur l’Académie des Sciences morales. Ce n’est pas une raison, du reste, pour que les écrivains dévoués à la cause du véritable progrès se découragent, car la plus grande preuve de talent que l’on puisse donner,