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reparu. Il en est là même pour l’Amérique au point de vue moral qu’au point de vue matériel ; chaque nouvelle révolution augmente ses chances de grandeur future. Aussi depuis long-temps l’Amérique, qui jadis était pour ainsi dire européenne, s’éloigne-t-elle de plus en plus de l’Europe, essaie d’être entièrement elle-même, et parvient à oublier le vieux continent. Mais, avant de montrer comment les États-Unis, tout en restant imbus de l’esprit moderne, deviennent de moins en moins les auxiliaires et les soutiens de l’Europe, il nous faut dire quelques mots sur la nature de ce gouvernement démocratique qui fait leur force et leur grandeur. Le dernier livre de l’auteur de Sam Slick, pamphlet en deux volumes que M. Halliburton vient de lancer contre les États-Unis, nous offre une occasion toute naturelle pour apprécier les ressources et le rôle possible de la démocratie américaine.

M. Halliburton, sujet anglais, juge à Halifax ; dans les colonies du nord, ressent contre l’Amérique la rancune et la haine que doit naturellement éprouver contre une si menaçante voisine tout bon sujet anglais, anglican de religion et tory renforcé d’opinion ; cette haine a un motif tout politique, par conséquent accidentel : il n’y a en elle aucune philosophie. Qui ne voit que M. Halliburton est bien plus emporté contre l’Amérique à cause de sa séparation d’avec l’Angleterre qu’à cause de ses tendances démocratiques, et contre l’esprit d’envahissement des Américains bien plus parce qu’ils menacent le Canada que parce qu’ils menacent envahie le Canda que parce qu’ils ont envahi le Mexique ? Son dernier livre, the English in America, est, sous prétexte d’études historiques sur les anciennes colonies de l’Amérique du Nord, un long pamphlet contre le protestantisme, l’Amérique et la démocratie ; M. Halliburton nous avait habitués à des écrits plus amusans et plus sérieux sous leur forme légère. Que nous apprend son dernier livre ? Que la démocratie n’est point propre à toutes les nations. Nous applaudissons de tout notre cœur à cette opinion ; pas plus que lui, nous n’avons un goût exagéré pour la démocratie. Il nous apprend ensuite que cette forme de gouvernement était la plus convenable pour les Américains, qu’elle s’est établie dans des conditions normales, qu’elle répondait à l’esprit religieux, aux instincts des émigrans anglais, qu’elle était l’objet de tous leurs désirs. Alors pourquoi tant de dépit et de sourdes épigrammes contre un fait naturel et normal ? Il nous apprend que les premiers protestans étaient pleins de vertu, de volonté ; alors pourquoi aller chercher toutes les histoires et toutes les anecdotes dont s’était réjoui l’auteur d’Hudibras, et nous les donner pour des faits historiques, incontestables ? Il porte contre les États-Unis une accusation plus grave ; il les accuse d’avoir établi la république par félonie, trahison, en éludant toutes leurs promesses, en rusant avec les articles des chartes qui leur avaient été successivement accordées par le gouvernement anglais. Cette accusation