Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/1010

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de galeries souterraines, aboutissant à des carrefours et donnant accès, de distance en distance, dans des salles cintrées d’ordinaire, et dont les parois contiennent tantôt des niches cintrées également, tantôt de simples tiroirs superposés. Ces niches et ces tiroirs sont destinés à recevoir les corps. On dirait une transformation du columbarium païen devenu insuffisant, et devant, au lieu des urnes cinéraires, recevoir les corps dans leur intégrité. Les vastes souterrains qui s’étendent sous la campagne romaine, et d’où autrefois on a extrait la pouzzolane, avaient été de temps immémorial appropriés à ces usages funèbres ; mais, dès que les chrétiens s’y furent établis, le hasard seul ne présida plus à ces excavations[1] : on les étendit et on les continua sur un plan déterminé. Une corporation religieuse fut chargée de diriger les travaux, proportionnant la forme et la dimension de chaque nouvelle salle à l’importance du personnage dont elle devait recevoir les restes. Les parties des parois de ces salles laissées libres étaient disposées de façon, à recevoir des peintures, surtout quand il s’agissait, d’un personnage vénéré pour sa piété ou son martyre. Le fond du caveau, et particulièrement le pourtour de l’archivolte, et dans les salles principales les plafonds étaient réservés pour cette décoration. Souvent il est arrivé (et nous en trouvons la preuve dans les dessins de M Perret) que toutes les niches du caveau étant pleines et la place manquant pour un nouveau mort, il a fallu excaver les parties revêtues de peintures et tailler en plein tableau, souvent aussi les peintures sont superposées, et de nouveaux sujets sont appliqués sur de plus anciens ; mais il est un fait constant, c’est que la peinture recouverte est toujours supérieure à la peinture qui la recouvre. Plus l’art se rapprochait de la tradition païenne, moins il avait déchu ; les procédés étaient nécessairement supérieurs. Il est fort probable que les chrétiens n’avaient fait que continuer la tradition païenne, quant au système d’ornementation des sépultures, comme les Romains eux-mêmes n’avaient fait que se conformer aux usages de leurs pères, imitateurs des Étrusques et des

  1. Il n’est pas nécessaire d’avoir fait une étude approfondie des catacombes, mais il suffit d’une promenade dans ces souterrains et d’un examen fort superficiel de la situation relative de chacun d’eux pour reconnaître qu’il ne faut pas prendre rigoureusement à la lettre la tradition qui les représente comme les refuges des premiers chrétiens au moment des persécutions. J’ignore absolument la façon de procéder de la police romaine sous Néron ou Dioclétien, mais son action eût été nulle, si en quelques heures de temps elle n’eût pas découvert ce refuge de toute une secte, c’est-à-dire d’une population de plusieurs milliers d’hommes. Il est probable que quelques-unes de ces anciennes carrières ou arénaires, situées sous la propriété de grands personnages convertis secrètement au nouveau culte, ont pu servir dans l’occasion de refuge à leurs amis persécutés et à ceux de leurs compagnons que la perspective du martyre effrayait. La plupart des catacombes ont encore conservé les noms de leurs anciens possesseurs : telles sont les catacombes de Saint-Saturnin et de Saint-Thrason, près de la porte Salara, celles Saint-Calixte, etc. ; mais si les catacombes ne servirent pas de refuge à la secte entière, elles servirent certainement de sépulture aux martyrs.