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C’est sans doute une grande liberté promise. Reste à savoir si tout le monde en jouira ; pour l’instant, tout le monde en abuse. On parle d’une épuration de la chambre des pairs, mais l’on ne sait pas encore ce que sera la nouvelle loi électorale.

Les élections viennent d’avoir lieu en Espagne, et c’est aujourd’hui 1er juin que le congrès se réunit. Le gouvernement espagnol, comme on le sait, avait dissous le parlement à la suite de scènes fâcheuses qui s’étaient produites dans la discussion du règlement de la dette. C’est du moins une justice à rendre au cabinet de Madrid qu’il n’a mis aucun retard à poser la question aux électeurs et à convoquer le nouveau congrès lui-même. Autant qu’on puisse se faire une idée exacte du résultat des opérations électorales, la majorité semble acquise au ministère en fonction. Le parti progressiste rentre au congrès quelque peu grossi, pas autant qu’on avait pu néanmoins le supposer. Ses chefs principaux, MM. Madoz, Olozaga, Escosura, Domenech, Cortina, ont été élus. L’opposition modérée paraît devoir compter environ cinquante membres. Du reste, les hommes les plus éminens de l’opinion modérée, MM. Mon, Pidal, Martinez de la Rosa, Seijas Lozaño, Calderon Collantes, ont été réélus, comme cela devait être. Nous remarquons seulement l’échec éprouvé par l’ancien ministre de l’intérieur, M. Sartorius ; les circonstances de cet échec donneront lieu probablement à de vives contestations. En somme, le résultat est tout-à-fait favorable aux idées modérées. Malheureusement, dans les récentes difficultés politiques de l’Espagne, il y a un grand fonds de questions personnelles. Sans avoir à insister sur le côté purement intérieur et local, une seule chose nous préoccupe. La politique conservatrice a beaucoup fait pour l’Espagne depuis huit ans ; elle l’a sauvée principalement du désastre de 1848. Elle a beaucoup à faire encore au point de vue économique, administratif. Sera-ce le moment de se fractionner, de se diviser, surtout en présence des prochaines éventualités européennes ? C’est aux hommes publics de l’Espagne à méditer sur cette situation, et au gouvernement à rendre les rapprochemens faciles. Le gouvernement espagnol va présenter, assure-t-on, le budget de 1851 ; il proposera de nouveau, sans nul doute, son projet de règlement de la dette. Ce sont là les questions qu’il serait le plus utile de traiter de préférence à toute récrimination personnelle. Le concordat avec Rome vient d’être publié, et règle définitivement la question religieuse. Ce concordat, préparé par l’ancien ministère, promulgué par le nouveau, démontre mieux que toute autre chose qu’en définitive ce n’est point sur des questions essentielles de politique générale que reposent les scissions du parti modéré espagnol. Dans ces conditions, la législature qui s’ouvre aujourd’hui à Madrid peut contribuer à raffermir la situation de l’Espagne par le rétablissement de l’intégrité du parti conservateur, ou ouvrir la porte à des difficultés nouvelles dont on ne saurait prévoir l’issue.

Le parti vraiment conservateur en Belgique, c’est le parti libéral, et voilà pourquoi nous aurions regretté que le ministère Rogier persistât dans la démission qu’il a donnée ces jours-ci devant un vote de la chambre. Il paraît actuellement très probable que cette démission sera reprise ; et que le cabinet reviendra tout entier, si ce n’est peut-être M. Frère-Orban, qui voudrait absolument se retirer. Des susceptibilités réciproques ont malheureusement gêné