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Dans les journées du 18 et celles qui suivirent, on attaqua les murs de la place avec des fougasses. Les travaux de la sape, dirigés par le capitaine Schoennagel, étaient poussés très activement. Les pièces de 12 furent mises en batterie ; leur feu fit le plus grand mal à l’ennemi, et détruisit les faîtes des maisons les plus élevés qui dominaient nos ouvrages. Les obusiers ne réussirent pas aussi bien ; une grande partie des obus étaient avariés ; leurs éclats venaient continuellement tomber dans l’intérieur des tranchées et blesser nos propres soldats. Une troisième brèche avait été pratiquée ; elle devint brèche de droite ; le fossé en face fut comblé. Dans les journées du 22 et du 23, les deux autres passages de fossé furent aussi améliorés ; des fougasses, placées sur les brèches elles-mêmes, en rendirent l’accès facile. Nos progrès étaient évidens ; .nos différens travaux d’attaque pressaient la ville comme une tenaille de fer. L’immensité du péril exaspéra au plus haut degré les défenseurs de Zaatcha ; encouragés par de nombreux secours, ils crurent devoir tenter un dernier et héroïque effort : tentative insensée ! Au point où nous étions arrivés, rien ne pouvait nous faire reculer.

Avec cette sagacité naturelle aux peuples voisins de l’état sauvage, ils avaient remarqué le désordre inévitable de nos tranchées à l’heure où l’on relève les gardes. Ils choisirent ce moment dans la journée du 24 pour commencer la plus sérieuse attaque dont nous eussions encore subi le choc. Rien ne pouvait nous faire soupçonner leurs projets. Leurs feux, ralentis avec adresse, répondaient à peine aux nôtres. Ce silence imposé dans leur ville, nous pouvions le prendre pour l’effet du découragement. La 7e compagnie du 5e bataillon de chasseurs occupait alors la sape de droite ; un petit mur en terre à moitié ruiné en fermait l’extrémité du côté de l’ennemi, une dizaine de chasseurs gardaient cette position. Ces hommes s’apprêtaient à céder leur place à leurs camarades du 8e bataillon. À la faveur d’un moment de distraction, les Arabes se glissèrent au pied du mur, et, à un signal convenu, réunissant leurs efforts, ils le renversèrent et se précipitèrent dans l’intérieur de la sape par cette espèce de brèche. Les quatre premiers chasseurs qui tombèrent sous leurs mains furent égorgés et, décapités. La sape de droite fut bientôt entièrement envahie ; les chasseurs surpris cédèrent un instant ; un combat corps à corps s’engagea dans cet étroit espace où le nombre des défenseurs nuisait encore à la défense. Des canonniers de la batterie d’obusiers autour de laquelle se passait la lutte se firent tuer en défendant leur pièce. Les Arabes ne purent l’enlever ; mais ils s’emparèrent d’une grande quantité de carabines, d’effets de campement, de havresacs et d’outils du génie : ce fut le seul profit de leur attaque. Le lieutenant Née Devaux, à peine remis d’une blessure grave, reçue à l’affaire du 7 octobre, fit charger les