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candidature de M. Ledru-Rollin à la présidence ; ils demandent que dès à présent « toute la presse démocratique des départemens ouvre ses colonnes à cette question : — la démocratie des villes et des campagnes veut-elle, oui ou non, porter Ledru-Rollin à la présidence de la république ? » Nous trouvons même, dans une feuille du midi, cette candidature déjà prêchée par un ancien constituant, et par quelles raisons ? Ce sont bien les raisons qu’il faut donner quand on se réclame du suffrage universel. « 1o Ledru-Rollin a toujours voulu et veut plus que jamais l’abolition de la présidence ; 2o il est aujourd’hui le propagandiste le plus croyant du gouvernement direct du peuple par le peuple : il s’appliquerait de toutes ses forces à substituer la souveraineté effective et réelle du peuple à la souveraineté illusoire et nominale que lui a faite la constitution de 1848. » C’est donc là ce qu’on pense à Bagnères de cette constitution pour laquelle on veut mourir à Paris. On l’adore comme un fétiche, quand elle peut gêner la marche régulière de la société ; on la foulerait volontiers sous les pieds, quand on s’aperçoit qu’elle ne lui est pas encore assez nuisible. Et vous savez comment s’y prendrait M. Ledru-Rollin pour la rendre à souhait ; M. Louis Blanc lui-même en recule d’horreur et crie à la sauvagerie, tout en écrasant son rival de la montagne du nom dédaigneux de girondin. On n’est pas si dégoûté parmi les socialistes de province ; le meilleur titre qu’on invoque pour l’honneur de M. Ledru-Rollin, c’est son plan d’anarchie, qui éclipse tous ceux de M. Proudhon. « Afin d’éviter les luttes, les déchiremens, les dictatures et le despotisme des minorités (qu’en dit la future minorité des 188 ?), il veut qu’il y ait pour tous liberté illimitée de la parole, de la presse, du droit de réunion ; il veut, en second lieu, que toutes les solutions proposées soient discutées par les assemblées du peuple et votées par la majorité des citoyens avant d’être érigées en loi. » — Comme le dit M. Ledru-Rollin lui-même, « la France n’aurait-elle pas bien gagné sa journée, quand la nation entière aurait statué en connaissance de cause sur ses intérêts les plus précieux, sur son impôt, son crédit, etc. ? »

À qui s’adresse cette propagande des feuilles rouges ? Sur qui ces absurdités révoltantes, tristes fantaisies de l’ignorance ou de l’hébêtement, peuvent-elles avoir une action quelconque ? N’est-ce pas principalement sur ceux qu’on appelle en beau langage les déshérités du suffrage universel, sur ceux qui présentent les moindres garanties de consistance et de stabilité, dans un système dit restreint qui admet encore sept millions d’électeurs ? Rendez-leur donc le suffrage pour qu’ils l’emploient à constituer, sous l’égide de M. Ledru-Rollin, le gouvernement direct du peuple par le peuple ! Et voulez-vous aussi vous figurer jusqu’à quel point on peut leur apprendre à dénigrer ces prestiges de gloire et de grandeur guerrière qui sont les indispensables élémens d’une popularité napoléonienne, si toutefois c’est avec celle-là que vous comptez solliciter la faveur des masses ? Lisez encore cette feuille du midi, c’est un riche numéro ; il y a là une petite histoire de Jacques Bonhomme à la recherche d’une politique qui a bien son sens. Les journalistes des chefs-lieux rouges ont beaucoup abusé de Jacques Bonhomme dans ces derniers temps ; comme invention littéraire, ce n’est donc pas un fonds très neuf, mais la variation brodée sur ce thème usé ne laisse pas d’avoir de l’à-propos : c’est la satire, la charge du re-