favorable pour se mettre à la tête des fanatiques. Le caïd des Ouled-Soltan, Si-el-Bey, venait d’être assassiné pour ne s’être pas déclaré contre les Français. Ceux de nos partisans qui n’avaient pas assez d’influence personnelle sur les populations pour calmer leur colère n’étaient plus en sûreté. Abd-el-Afidt réunissait contre nous des forces considérables, et Ahmed-bel Hadj était arrivé à la tête d’un contingent de l’Aurès le jour de la razzia des nomades ; le résultat de cette affaire l’avait seul déterminé à la retraite.
Il y avait, on le voit, nécessité et urgence à terminer le siège par un coup de foudre. Du reste ; les opérations, avaient marché rapidement depuis l’habile direction de M. Lebrettevillois. Le 17, on reprit les deux jardins abandonnés la veille, et l’artillerie construisit à droite une batterie pour les pièces de 12. Les travaux de sape de la tranchée auraient pris une plus grande activité, si les sacs à terre n’étaient pas venus à manquer. Il fallut les remplacer par des morceaux de palmier que l’on ne coupait sur ces arbres à fibres résistantes qu’avec beaucoup de peine. Le même jour, la plupart des nomades vinrent faire leur soumission, donner des otages et racheter leurs chameaux. Leurs pertes s’élevaient à deux cents hommes tués ; une seule tribu en avait perdu quatre- vingt-quatre. Bou-Zian, de son côté, dans l’attaque de la tranchée, avait vu tomber quarante de ses fidèles, et un de ses fils avait eu l’épaule fracassée.
Pour nous, à cette époque du siége, nous avions affaire à un en nemi plus redoutable que les Arabes. Le choléra sévissait avec rigueur dans nos rangs, et nous enlevait trente à quarante hommes par jour. Une agglomération de tant de monde dans un si petit espace, tel que celui des tranchées et du camp, ne pouvait manquer d’aggraver cette cruelle épidémie. Les détritus d’animaux abattus, le voisinage de tant de cadavres mal enterrés dans les sables et souvent découverts par les bêtes féroces, exhalaient la plus funeste odeur. Les nuits pluvieuses que l’on passait dans les tranchées devenaient mortelles. À chaque instant on entendait les plaintes des malheureux soldats que venait frapper le fléau. Leurs cris, mêlés au bruit continuel des coups de feu et au mugissement sourd des palmiers toujours agités par les vents, jetaient dans tous les cœurs la plus profonde tristesse. Quelles nuits affreuses passées dans ces tranchées ! Quels souvenirs pour les témoins de pareilles scènes ! Du côté des Arabes, les souffrances n’étaient pas moindres, l’épidémie sévissait dans les murs de Zaatcha ; mais ces fanatiques supportaient avec un égal courage et avec l’indifférence du fatalisme les maux de la guerre et les horreurs de la maladie. Jamais ils n’ont parlé de se rendre ; la veille même de l’assaut, où tout était perdu pour eux, ils refusaient les conditions du général, et préféraient se faire tuer jusqu’au dernier.