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la loi du 31 mai. Elle s’était par malheur rangée sous un chef qu’elle a bien souvent répudié quand il s’offrait, qu’elle soupçonne toujours, même quand elle l’accepte, et qu’elle acceptait là, parce qu’elle se fiait à l’âcreté de son tempérament pour envenimer un litige où il n’entrait guère moins d’animosité personnelle que de motifs politiques. M. de Girardin lui semblait très en état d’être fort désagréable à M. Léon Faucher ; l’inconvénient est que M. de Girardin a toujours plus d’une rancune en train, et qu’il n’est pas maître de les régler comme ses idées, une idée par jour. Il y a dans cette tête échauffée une surexcitation maladive qui se trahit surtout au grand éclat de la tribune, et transforme en de soudaines colères les projets les mieux calculés de son habileté la plus froide. M. de Girardin a manqué M. Léon Faucher pour entreprendre M. de Dampierre, et la loi du 31 mai, au lieu de subir un assaut en règle, n’a plus guère eu à essayer que le feu croisé d’interruptions à peu près parlementaires. « Le vice de l’élection des Landes, a crié M. Madier de Montjau, c’est la loi du 31 mai. » Voilà tout le fort des argumens de la montagne. La loi du 31 mai n’existe point, parce qu’il ne lui plaît pas qu’elle existe. La montagne sait se départir à sa convenance de la méthode d’interprétation judaïque qu’elle applique à la constitution. Les pères de la constitution ont prévu qu’elle donnerait de grands sujets de la vouloir changer, et ils ont fait de leur mieux pour qu’on n’y parvînt pas ; ils ont décidé qu’en pareil cas, 188 voix seraient un chiffre qui pèserait plus que 562. Ce chiffre de 188 est devenu, sur les bancs de la gauche, un chiffre sacramentel ; on s’y tient à n’en pas démordre, et l’on ne jure, sur ce chapitre-là, que par la lettre de la constitution. La lettre de la constitution n’a pas interdit cependant de régler le domicile électoral ; elle a sagement déterminé qu’on aurait à vingt et un ans la maturité nécessaire pour participer au gouvernement de son pays, qu’on aurait, sans savoir lire, l’intelligence assez façonnée pour nommer à soi seul et tous en bloc les huit ou dix députés de son département. Ce sont là des mérites recommandables qui valent bien qu’on l’excuse de n’avoir pas dit aussi qu’il l’aurait indifféremment des électeurs volans et des électeurs sédentaires ; mais enfin elle ne l’a pas dit, et la loi du 31 mai a passé par la place que lui ouvrait cette lacune du texte constitutionnel. Or le texte n’est plus ici de rien aux yeux de ces puritains de la constitution, qui se refusent à sortir du sens littéral quand il s’agit de la révision. Ils vous menacent de l’émeute, si vous entreprenez la révision en dehors de leur texte ; ils vous en menacent encore, si vous ne leur abandonnez pas la loi du 31 mai, qui ne dépasse point cependant les termes de leur évangile : ce qui revient à dire qu’ils sont à eux seuls la loi et les prophètes, les maîtres souverains de la république et par conséquent de la France, à qui la république est supérieure, les maîtres en vertu de ce droit du plus fort occupant dont la France ne leur pardonne guère pourtant d’avoir un jour usé.

Nous ne savons pas ce que cette théorie pourra soulever de désordre à un moment donné sur la face du pays ; c’est une doctrine d’insurrection à tout bout de champ, qui ne soutient pas la discussion dans une assemblée délibérante. L’intérêt de la séance n’était pas là ; il était dans une complication plus délicate qui pouvait se présenter, comme le suggéraient des insinuations maladroites ou perfides. Nous ignorons si M. le président de la république a con-