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capitaine Guyot, tué, comme lui, en Afrique ; son adjudant-major, M. Berthe ; deux capitaines et deux autres officiers. Il eut plus de trente tués et quatre-vingt-dix blessés, la plupart mortellement. Ce grand nombre de victimes pour si peu de combattans permet de juger de la gravité de l’action.

Malgré cet insuccès nous gardâmes toutes nos positions. Le soir, les Arabes ; encouragés, par le résultat de la journée, tentèrent une attaque de nuit contre toute la ligne que nous occupions dans les jardins. Le combat dura deux heures ; mais ils ne purent faire reculer nos vieilles troupes d’Afrique, et finirent par nous laisser tranquilles le reste de la nuit. Du 20 au 30, on reprit les travaux de tranchée, mais avec moins d’ensemble et de direction. Le 27, le capitaine du génie Graillet fut tué ; il ne restait plus que deux officiers de l’arme, sur six qui avaient été attachés au corps expéditionnaire. Le feu de l’ennemi, faisait chaque jour des vides cruels dans tous les rangs, et cependant on n’était pas au bout des épreuves de toute nature qui nous attendaient. Des soldats disciplinés et fortement trempés peuvent seuls en supporter de pareilles.

C’est dans cette période du siége que le général Herbillon, voulant s’attaquer aux intérêts des habitans de l’oasis, fit abattre des palmiers. Pour des gens qui vivent de la récolte des dattes, le tort qu’on allait leur faire était considérable, et devait exciter leur rage. Aussi, dans les premiers jours, les habitans de Zaatcha engagèrent-ils avec nos soldats travailleurs des luttes acharnées. Leur feu devenait si vif, qu’il fallut plusieurs fois céder le terrain, entre autres le 25 octobre, où eut lieu la sortie la plus vigoureuse. Un tambour, des outils, jusqu’à de malheureux blessés, furent laissés entre les mains de l’ennemi. Cette coupe de palmiers dura sans interruption jusqu’au dernier jour du siége. Le bruit de la chute de ces magnifiques arbres, dont plus de dix mille tombèrent ainsi, allait porter dans le cœur des habitans de Zaatcha plus de rage et de douleur que les détonations incessantes de notre artillerie et de notre mousqueterie.

Le camp français avait alors un aspect des plus tristes. Placé en partie sur les revers d’une montagne aride, il était entièrement exposé au vent du désert, si violent dans ces parages. Un sable fin, soulevé sans cesse en tourbillons épais, incommodait nos soldats et rendait aussi fatigant le repos des tentes que le travail de la tranchée. Ce sable, se mêlant à tous les alimens, que l’on ne pouvait préparer qu’en plein air, les rendait détestables ; la viande de distribution provenait d’un troupeau de bœufs amené à la suite de l’armée dans le désert et auquel on ne pouvait donner qu’un peu d’orge. On choisissait pour l’abatage les bêtes qui mouraient de faim. Le biscuit de la ration journalière, vieux, moisi, plein de vers, avait été fabriqué pour l’armée de