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La même balle qui frappa M. Petit traversa le col de M. Seroka, et lui fait une grave blessure. Dans la journée, on désarticula le bras du malheureux colonel Petit, dont le moral ne faiblit pas un instant. Il continua jusqu’à ses derniers momens à diriger de sa tente, où il était mourant, les travaux du siège, se faisant rendre compte de tout ce qui se passait et attendant, sans la craindre, cette mort glorieuse qui couronne si noblement la vie d’un soldat.

Le lendemain de ce triste accident, le bataillon des tirailleurs indigènes essaya vainement, en perdant beaucoup de monde, de s’emparer d’une position fortement occupée un peu en avant de Zaatcha il avait affaire à un ennemi intrépide, dont la rage redoublait toutes les fois qu’il se trouvait en présence de ces indigènes qui sont à notre service, et que les Arabes considèrent comme des traîtres et des renégats. Pendant cette journée, l’artillerie ne cessa de tirer contre la place ; elle établit une nouvelle batterie, appelée Batterie-Petit, et destinée à battre en brèche un des angles de la forteresse qui avait la forme d’un carré. Le génie, aidé par les soldats d’infanterie, fit les travaux de défilement et de communication nécessaires pour garantir contre les feux de la place les opérations du siège et les jardins que nous occupions. Il fut dès-lors organisé un service régulier de garde de tranchées, comprenant près de la moitié des troupes disponibles. Nos soldats, impatiens d’agir et de combattre, durent subir jusqu’au dernier jour du siège cette vie de garde continuelle qui répugne tant au caractère français. Après avoir percé de trous les murs des jardins qui les séparaient de l’ennemi, ils se faisaient un support de quelques pierres placées l’une sur l’autre, qui leur permettait de s’asseoir près de leur créneau. C’est la plupart du temps dans cette position, l’œil au guet, que nos sentinelles, à tour de rôle, attendaient jour et nuit un ennemi toujours prompt à venir. Comme nous avions affaire à des Arabes aussi rusés dans les combats qu’habiles tireurs, sans cesse, malgré mille précautions, nous avions à déplorer quelques pertes. Le capitaine d’artillerie Besse fut tué d’une balle au front au moment où il dirigeait le tir d’une pièce. On se figurerait difficilement la rage et l’audace de l’ennemi que nous avions devant nous ; tantôt il se jetait avec des cris féroces à la tête de nos travaux de sape pour les détruire après en avoir tué les défenseurs, tantôt il se glissait la nuit au pied d’un mur pour l’escalader à l’improviste et tomber sur nos soldats, qui surpris, n’avaient pas le temps de se défendre. Le 11 et le 12, il y eut de ces sortes de combats au milieu même des tranchées.

Dans la journée du 12, vers les trois heures, le colonel de Barrai arriva de Sétif pour rallier le général Herbillon avec une colonne de quinze cents hommes, ce qui élevait l’effectif du corps expéditionnaire à cinq mille combattans, en déduisant les pertes qui avaient été faites