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des arts et métiers trouverait un rôle qui élargirait sa base. Le conseil de perfectionnement deviendrait naturellement une sorte de comité consultatif de l’enseignement industriel. C’est en servant de lien entre les diverses institutions éparses dans le pays que le Conservatoire peut s’associer le plus utilement aux destinées de l’instruction professionnelle. Le conseil de perfectionnement ne demanderait pas mieux, dans les circonstances extraordinaires, pour donner encore plus d’autorité à ses avis, et comme il l’a déjà fait dans diverses occasions, que d’admettre dans son sein des élémens extérieurs puisés surtout dans la pratique, dans les ateliers de l’industrie privée.

En essayant de tracer une voie à l’enseignement professionnel des populations ouvrières, nous n’oublions pas quels obstacles s’opposent de ce côté à un brusque changement de système ; mais il importe, au moment où la question s’agite, qu’on se fasse une idée exacte de l’œuvre à tenter, des moyens d’action qui s’offrent pour l’accomplir, et qu’on se place au moins sur la route qui conduit au but. Initiation de l’homme à la vie pratique, l’enseignement professionnel lui communique un caractère d’utilité sociale et le rattache à un centre déterminé. Envisagé isolément, l’individu n’aurait aucun besoin de se préparer à un emploi spécial, puisque l’exercice de ses facultés ne se rapporterait qu’à lui-même. Membre d’une association, il est obligé de se rendre utile aux autres pour légitimer les avantages qu’il tire de la société et la place qu’il y occupe. Plus la civilisation se développe, plus les fonctions se divisent, et plus il est indispensable que l’homme reçoive de bonne heure une instruction appropriée à l’usage qu’il doit faire de son activité. La société a toujours elle-même un avantage évident à lui faciliter les moyens d’acquérir cette instruction ; mais son intérêt devient, suivant les circonstances, plus ou moins impérieux. Supposez-vous dans un pays où tous les principes ont été remis en question, où tous les ressorts de l’organisation sociale sont à nu, où personne ne se croit à sa place, et dites si, dans des conditions pareilles, une organisation puissante de l’enseignement professionnel ne doit point être comptée parmi les plus urgentes nécessités du moment, parmi les plus solides garanties de la prospérité commerciale et de la sécurité intérieure.


A. AUDIGANNE.