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de manière à écarter les hommes de théorie qui ne sauraient pas exécuter eux-mêmes ce qu’ils enseignent. Ainsi tombent devant les faits les accusations dirigées contre l’enseignement des écoles d’arts et métiers. Porter atteinte à l’institution, amoindrir encore l’enseignement industriel dans notre pays, c’eût été agir dans un sens diamétralement opposé aux vrais besoins de la situation.

Le principal avantage des écoles ne consiste pas à nos yeux dans l’in fluence directe qu’elles exercent sur l’industrie nationale. Les deux cent cinquante élèves qui en sortent à peu près chaque année représentent à peine la millième partie des ouvriers que la France voit se former durant le même laps de temps ; mais les écoles offrent un niveau d’enseignement qui sert au dehors de terme de comparaison et de modèle. Les élèves apportent dans les ateliers privés des connaissances théoriques qu’ils ne pourraient point y acquérir, et qui éclairent fort utilement la pratique. Ouvriers encore imparfaits, ils se perfectionnent plus vite que d’autres et sont plus aptes à devenir d’excellens contre-maîtres. Tandis que chez divers peuples étrangers les mœurs, comme nous l’avons vu, suppléent aux institutions, chez nous les écoles viennent stimuler un peu nos mœurs rebelles. Elles ont encore une destination d’une importance plus haute : elles pourront être une pépinière de professeurs pour cet enseignement industriel dont le pays attend l’organisation, et auquel nous cherchons en ce moment même à préparer la route. Une fois éprouvés par la pratique dans les usines et les manufactures de l’industrie privée, les bons élèves pourront prêter un concours utile au développement de cette éducation spéciale qui aura besoin d’un corps enseignant particulièrement approprié à ses exigences.

Une institution établie à Paris, l’École centrale des arts et manufactures, peut aussi concourir à l’accomplissement de cette même œuvre. Une pareille fonction justifierait seule l’aide que le gouvernement lui accorde, et qui lui confère une sorte de caractère public[1]. Éprouvée par une existence de vingt ans, l’École centrale a pleinement justifié la pensée de ses fondateurs ; elle est consacrée à former des ingénieurs civils, des directeurs d’usines, des chefs de fabriques et de manufactures. Avec les quatre grandes spécialités qu’elle embrasse, les arts mécaniques, les arts chimiques, la métallurgie et la construction des édifices, elle dirige ses élèves dans toutes les branches du travail industriel. Depuis que la chimie a franchi l’enceinte des laboratoires pour entrer dans les usines et y perfectionner les procédés de fabrication, depuis qu’on a cherché dans la physique les moyens d’employer la chaleur et la vapeur, qui sont devenues un si puissant instrument de production,

  1. L’état alloue à l’École centrale une somme annuelle de 30,000 francs, qui est répartie entre les candidats à la suite d’un concours.