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II

Avant et depuis la révolution de février, on a beaucoup disserté sur l’instruction professionnelle. En cette matière comme en beaucoup d’autres, on dirait qu’au lieu d’aborder la question pour la résoudre, nous n’y avons cherché qu’un sujet de controverse. Nous en sommes encore réduits à de rares établissemens, isolés les uns des autres, qui ne se mêlent guère à la vie quotidienne des populations, et ne sauraient s’emparer des esprits et des mœurs de manière à réagir sur la conduite et sur les habitudes des familles.

Dans la hiérarchie des institutions vouées à cet enseignement spécial, le premier rang appartient au Conservatoire des arts et métiers de Paris. Ce grand établissement remplit un double rôle : il forme des collections de modèles, dessins ou descriptions de machines, instrumens, appareils et outils propres., et l’industrie ; il donne des leçons publiques sur les sciences mathématiques et physiques appliquées aux arts. L’idée première du Conservatoire avait été conçue, sous le règne de Louis XVI, par un mécanicien fameux, qui semblait avoir puisé aux sources mêmes de la vie une ame pour en doter ses merveilleux appareils. La pensée de Vaucanson, transformée en loi dans le cours de l’an ni de l’ère révolutionnaire, ne fut véritablement réalisée qu’en l’an VI. Depuis cette époque, le Conservatoire a suivi les développemens de l’industrie nationale ; ses moyens d’action se sont successivement accrus au point de vue de son double rôle. Il comprend aujourd’hui quatre élémens : les collections d’instrumens, une bibliothèque spéciale, l’enseignement supérieur, une petite école pratique élémentaire[1].

Les galeries, qui renferment des richesses matérielles très précieuses, forment ce qu’on peut appeler les archives des arts industriels. Dès son origine, le Conservatoire avait recueilli, outre les appareils de Vaucanson, les machines entassées dans les greniers de l’Institut, les machines et outils d’horlogerie de Ferdinand Berthoud, le riche cabinet de physique de l’habile et intrépide Charles, et les instrumens déposés dans la galerie des arts mécaniques de la maison d’Orléans. Enrichies chaque année, ces collections se sont étendues à d’autres objets, et composent aujourd’hui treize galeries.

L’enseignement supérieur a été institué vers les commencemens de la restauration. Jusqu’en 1817, il y avait seulement au Conservatoire un dessinateur et trois démonstrateurs qui devaient donner des conseils et des explications à ceux qui venaient les consulter. En fait, ces fonctions étaient restées à peu près inutiles au public. Mieux valaient des

  1. Le budget de 1851 alloue au Conservatoire une somme de 150,000 francs, dont 50,8440 sont affectés au personnel, et 59,160 au matériel.