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que le refuge abrutissant des workhouses. En face de cette jeune et misérable population des ragged schools, on se demande encore chez nos voisins quel est le meilleur mode d’enseignement à introduire dans ces maisons. Faut-il instruire les enfans en vue d’une émigration lointaine dans les colonies anglaises ? Faut-il leur apprendre à exécuter un travail qui leur permette de gagner leur vie dans la métropole ? — Jusqu’à ce jour, les écoles des pauvres se sont trop préoccupées de l’émigration ; elles ont trop souvent considéré leurs jeunes hôtes comme une matière toute prête pour ce que les Anglais appellent le drainage humain (human drainage). Il vaut mieux tendre à mettre les enfans en mesure de se rendre utiles, même dans leur patrie, s’ils y restent. Supposez que la nécessité ou leur goût les appelle à la vie du pionnier dans les vastes solitudes de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande ; il suffit qu’ils soient habitués à un rude labeur pour pouvoir supporter les exigences de leur nouvelle situation. Les établissemens qui obtiennent aujourd’hui les meilleurs résultats, notamment l’école des apprentis de Norwood et l’école industrielle de Limehouse, sont précisément ceux qui répudient tout système exclusif ; mais, si l’émigration ne doit pas être la seule perspective des ragged schools, qu’on se garde bien d’y enseigner des métiers dont l’exercice demanderait le moindre capital. Autrement l’avenir des enfans serait voué à la plus cruelle de toutes les souffrances, à celle qu’engendre l’impossibilité de tirer parti de son savoir-faire.

Les écoles industrielles de la Grande-Bretagne ne sont, comme on voit, que des corollaires de la loi sur les pauvres. Cette idée éclate partout. L’industrial training est le moyen employé par la charité locale pour préparer les enfans indigens à se soustraire par le travail au triste héritage qu’ils tiennent de leurs familles. L’école d’apprentis de Norwood a été établie sous le patronage de la commission de la loi des pauvres. L’united industrial school d’Édimbourg, une de celles où l’enseignement pratique est le mieux organisé, distribue à ses élèves le pain qui manque à leur misère. Comme nous n’avons pas en cette matière une législation analogue à celle de nos voisins, l’enseignement industriel ne saurait évidemment pas reposer chez nous sur une base aussi rétrécie. Qu’on s’occupe en France de l’instruction pratique des enfans pauvres, rien de plus nécessaire : la politique le demande aussi bien que la morale ; mais l’arène ouverte à l’enseignement professionnel est beaucoup plus étendue. De notre sol, remué par la philosophie du XVIIIe siècle et par la révolution française, ont surgi des exigences d’un caractère infiniment plus général. Au lieu d’appartenir au domaine de la bienfaisance, les écoles industrielles deviennent en France une institution économique. Elles doivent s’adresser surtout à cette partie de la population ouvrière qui peut nourrir ses enfans, mais qui a besoin d’être