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temps-là le sud de la province de Constantine. Cet habile officier sut comprimer les premières tentatives de révolte ; il surprit un matin dans les gorges étroites de l’Aurès, après une marche des plus hardies, Ahmed lui-même, qu’il fit prisonnier avec sa smala et ses principaux chefs[1]. Il ne fallait rien moins que la prise de ce personnage six mois après celle d’Abd-el-Kader pour neutraliser les conséquences de la révolution de février, qui aurait, sans cela, porté un coup funeste à notre domination. La crise ne fut pourtant que retardée, et une agitation générale vint troubler toutes les provinces au printemps de 1849. La guerre sainte se respirait dans l’air, on ne parlait que de l’apparition de chérifs plusieurs chefs se mirent en état de révolte ouverte, deux surtout en Kabylie, qu’il fallut combattre par de fortes colonnes, et, comme d’habitude, le bruit de leurs prétendues victoires se répandit chez les Arabes. L’exaltation de nos ennemis ne connut plus de bornes.

Dans ces circonstances critiques, une expédition fut décidée contre Ben-Rennen-ben-Azzedin ; mais par suite des réductions successivement apportées au chiffre de l’armée d’occupation, il fallut, pour former la colonne, prendre des troupes à Batna et diminuer la garnison de Biskara. Ce déplacement de nos forces et le départ de M. de Saint-Germain, chef supérieur du cercle de Biskara, dont la présence dans le sud valait seule des bataillons, inspirèrent aux Arabes une confiance aveugle. C’est en ce moment aussi, que dans Zaatcha surgit un homme qui enflamma de son souffle inspiré toute une population enthousiaste et crédule. Cet homme calculait que les Français, occupés à la côte par le chérif d’El-Arouch, ne seraient pas préparés à un soulèvement du sud. Il se nommait Bou-Zian. Parmi les habitans de Zaatcha, c’était le plus influent, le plus riche. Ancien cheik sous l’autorité éphémère des khalifats d’Abd-el-Kader, on lui avait donné pour successeur, une de ses créatures, un homme sans moyens, demi aveugle, nommé Ali-ben-Azoug. Bou-Zian s’était toujours mis à la tête des petites séditions contre les Turcs. En 1833, lorsque le bey Ahmed vint attaquer Zaatcha, il se distingua par sa bravoure et par son ardeur dans la défense de la ville. Bou-Zian unissait d’ailleurs à une vive intelligence un caractère énergique, et ses relations étendues dans les Ziban et dans les montagnes limitrophes du Sahara, son ambition, son audace, le rendaient fort dangereux.

On a prétendu que la question d’impôt, mal comprise par le bureau arabe de Biskara, avait servi les projets hostiles de Bou-Zian et n’avait pas été étrangère à l’insurrection du pays. C’est prendre le prétexte pour la cause. Tous les impôts des Ziban étaient complètement et facilement

  1. L’ex-bey de Constantine est en ce moment interné à Alger, où il vit fort retiré avec sa famille ; le gouvernement français lui fait une pension ; il se montre très reconnaissant des égards que l’on a pour lui.