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l’impôt, très fructueux pour la France[1]. Bisbara est le plus avancé et le plus exposé de tous nos postes en Algérie. Presque tous les chefs qui s’y sont succédé ont payé de leur vie l’honneur de ce commandement de confiance [2].

La population des Ziban comprend deux races distinctes : les nomades, qui émigrent dans le. Tell ; les habitans sédentaires des oasis, qui cultivent la terre et font la récolte des dattes. Les nomades sont en quelque sorte les seigneurs des ksours ; ils y commandent en maîtres et méprisent le villageois, l’homme sédentaire, qui, la plupart du temps, n’est que leur fermier. L’Arabe de la tente croirait s’humilier s’il donnait sa fille en mariage au plus riche habitant des villes. Les populations des oasis jouissent cependant d’une assez grande prospérité ; due principalement à la production des palmiers, toujours très abondante, et à la fabrication des haïks fins, des burnous et des riches tapis que l’on rencontre sur les marchés d’Alger, de Constantine et de Tunis. Une autre source de cette prospérité est la situation même du pays des Ziban, heureusement placé pour faciliter les relations des peuples de l’Afrique centrale avec les habitans des côtes. À ces titres divers, on comprend que les Turcs d’abord, et après eux les Français, aient attaché un sérieux intérêt à transformer ces tribus indépendantes en populations tributaires, soumises à leur administration. Le secret d’asseoir cette administration sur des bases solides, c’est là ce que les Turcs avaient su découvrir ; c’est là ce que nous cherchons encore. Ces tâtonnemens, quelques erreurs regrettables coïncidant avec d’autres causes de désordre, expliquent l’insurrection de Zaatcha, dont il faut chercher les origines non-seulement dans la situation du pays des Ziban en 1849, mais dans son histoire depuis quelques années.

Sous la domination turque, il y avait une petite garnison à Biskara ; cinquante hommes occupaient le bordj (fort) de Raz-el-Ma, aujourd’hui en ruines, près la prise d’eau ni alimente l’oasis, et pareil nombre se tenait dans la casbah de la ville. Cette garnison était changée tous les ans, après avoir prélevé l’impôt, qui était environ le dixième de la récolte. C’était sous sa protection que partaient les grands convois de chameaux chargés de dattes et d’autres produits de l’industrie du désert. Cette protection rendait plus facile aux Turcs la domination des Ziban ; mais ils n’auraient pu la maintenir, s’ils n’avaient eu un représentant

  1. Le cercle de Biskara verse annuellement près de 700, 000 francs dans le trésor français.
  2. Voici les noms des commandans supérieurs de Biskara depuis notre domination, qui date de 1845 : M. Petitgand, assassiné en 1845 ; M. Thomas, aujourd’hui colonel du 11e léger ; M. de Saint-Germain, tué dans la dernière guerre des Ziban ; M. Saade, mort victime du choléra en 1850.