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« Quoique chaque jour ils recommencent leur combat et abattent les nombreuses armées de leur ennemi, cependant ils gardent toujours dans leur souvenir la promesse de salut, de protection, d’abri qui leur a été faite, l’espérance d’une demeure où ils savent que leur souverain confère des faveurs telles, « que nul œil n’en a jamais vu, dont nulle oreille n’a entendu parler. »

« Nous nous rencontrons comme se rencontrent les marins sur les plaines de l’océan. Les vagues se gonflent, et les tempêtes soufflent avant qu’ils aient pu gagner le port ; mais ils bravent les vagues, et ils se rient des tempêtes, certains que leur pilote est assez puissant pour les sauver.

« Ils vivent pleins de souvenirs des dangers passés, de craintes sur les périls qu’ils pourront encore courir, jusqu’à ce qu’ils jettent l’ancre dans le port du repos où le bonheur est certain et complet, jusqu’à ce qu’enfin un jour les tours et les flèches de cette demeure éternelle se dressent dans le lointain comme une radieuse étoile.

« Nous nous rencontrons comme se rencontrent des frères jetés sur une côte étrangère, dont les cœurs éclatent en transports joyeux à mesure qu’ils causent de leur terre natale, de la maison de leur Père dans le monde d’en haut, de sa tendre sollicitude et de son amour sans limites.

« Ils espèrent s’unir enfin pour jamais dans cette cité si belle où habitent dans des demeures pleines de paix, parmi des joies indicibles, les élus vêtus de blanc, où des louanges sans fin dans un monde éternel montent incessamment vers Dieu et l’agneau divin. »


Mais de toutes ces femmes poètes, la plus remarquable, à coup sûr, me semble Maria Brooks, surnommée par les Américains Maria del Occidente, morte en l’année 1845, auteur d’un poème étrange intitulé Zophiel, que Southey admirait et que Charles Lamb déclarait trop extraordinaire pour avoir pu être conçu par une tête féminine. Nous n’avons malheureusement dans le volume de M. Griswold qu’une analyse assez incomplète et de trop courts fragmens de ce poème. Malgré cet état incomplet dans lequel il se présente, on peut y sentir un souffle puissant et une imagination singulière. Il y a dans ce poème une combinaison surprenante de Thomas Moore et de Shelley. Figurez-vous les bosquets de Lalla Look, dans lesquels passerait, agitant les feuilles et brisant les roses, l’aquilon de Shelley. Les Odes à Cuba, à l’Ombre de son enfant et toutes les pièces lyriques en un mot ont un mouvement remarquable, et sont pleines de mystérieuses inquiétudes et d’inexplicables ardeurs. On ne peut se faire une idée de la douceur et de l’impétuosité qui sont mêlées dans ces vers qu’en se figurant une combinaison impossible de l’aigle et de la colombe, qu’en imaginant une colombe qui aurait la grandeur et le battement d’ailes d’un aigle, mais qui, malgré sa puissance exagérée, garderait sa timide nature de colombe, s’effraierait de sa force, et ne pourrait considérer sans trembler le soleil idéal. Ces pièces sont pleines d’idées audacieuses et de