les dieux nous l’envoient ! (Entre le charcutier avec une file de boudins qui pend sur son épaule.) Salut au libérateur d’Athènes ! Voilà précisément l’homme qu’il nous faut, le sauveur de la république que nous cherchions
Qu’est-ce ? que me voulez-vous ?
Allons, mon ami, dépose d’abord ta hotte.
Eh bien ! soit… De quoi s’agit-il ?
Mortel fortuné ! ô toi qui aujourd’hui n’es rien et qui demain seras tout, ô souverain de notre glorieuse patrie ! ton jour est enfin venu ! Va au bain, bois, mange, reçois la haute paie de trois oboles, due par l’état à tout citoyen oisif.
Pourquoi vous moquer de moi ? Laissez-moi donc laver mes tripes et vendre mes saucisses[1].
Insensé ! il est bien question de saucisses et de travail ! Vois-tu ce peuple nombreux ? tu en seras le maître, et maître aussi du marché, des ports et de l’assemblée ! Tu mettras les riches à tes pieds, et leurs écus dans ta poche ! Tu destitueras les généraux, et tes maîtresses coucheront au Prytanée !
Bah ! comment deviendrais-je un personnage, moi ! pauvre vendeur de saucisses !
C’est pour cela même que tu deviendras grand : c’est le tour des misérables, vois-tu ! N’es-tu pas de la lie du peuple ? Paresseux, effronté, pourquoi n’arriverais-tu pas à tout ? Tiendrais-tu, par malheur, à des parens honnêtes et bien élevés ?
J’en atteste les dieux ! j’appartiens à la canaille.
- ↑ C’est le début de Valère et de Lucas avec Sganarelle dans le Médecin malgré lui.