Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 10.djvu/635

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jacobins et de la commune de Paris. Dans cette pièce, dont le courage fait d’ailleurs le plus grand mérite, les tyrans futurs de la convention étaient signalés sous des traits qui peuvent nous paraître obscurs aujourd’hui, mais auxquels ne se trompaient alors ni les complices ni les victimes du lendemain. Cependant les physionomies étaient encore indécises. Robespierre n’était pas ce dictateur impitoyable grandi par la terreur des contemporains et par la vengeance de l’histoire ; c’était

Un esprit dur et faux qui maraude et maraude
Dans l’orateur romain, met Démosthène à sec,
Et n’est, quand il écrit, pourtant Latin ni Grec,
Ni Français !… Animal assez triste,
Suivant de ses gros yeux les complots à la piste,
Cherchant partout un traître, et courant à grand bruit
Dénoncer le matin les rêves de la nuit.
Dans le champ politique effaçant ses émules,
Nul ne sait comme lui cueillir les ridicules.

Les ridicules de Robespierre1 cela nous paraît assez étrange ! Aujourd’hui nous en savons plus long sur son compte.

Marat était plus connu ou mieux deviné déjà. C’est à lui que le public fit l’application de cet hémistiche resté célèbre :

… Des lois et non du sang !

et aussi de cette tirade qu’on pourrait reproduire de nos jours :

De la propriété découlent à longs flots
Les vices, les horreurs, enfin tous les fléaux !
Sans la propriété, point de voleurs ; sans elle,
Point de supplice : donc, la suite est naturelle,
Point d’avares, les biens ne pouvant s’acquérir ;
D’intrigans, les emplois n’étant plus à courir ;
De libertins, la femme, accorte et toute bonne,
Étant à tout le monde et n’étant à personne
…. .
Or, je dis, si le mal naît de ce qu’on possède,
Ne plus rien posséder en est le sûr remède.

Dans votre république, un pauvre sottement
Demande au riche. — Abus. — Dans la mienne, il lui prend :
Tout est commun. Le vol n’est pas vol, c’est justice.
J’abolis la vertu pour mieux tuer le vice…

La pièce fut couverte d’applaudissemens. « Aucun robespierrot ou maratiste, dit un journaliste du temps[1], n’osa mêler d’aigres sifflemens aux applaudissemens du parterre et des loges. La commune de Paris a fait à cette pièce le même honneur que le feu parlement accordait

  1. Revolutions de Paris, par Prudhomme, n° 185.