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L’arrête. Elle s’approche ; un jeune homme était là.
Voici, sous un auvent, comme elle lui parla :

— « C’est moi. Pourquoi me fuir ? Lorsque dans une fête
J’arrive, en rougissant vous détournez la tête.
Viendront les soirs d’hiver : vous verrai-je, à mon nom,
Comme de ce marché fuir de chaque maison ?
Suis je donc vieille ou laide ? Imprudente la femme,
Malheureuse à jamais qui laisse voir son ame !
En un jour bien amer vous trouvant généreux,
J’avais dit dans mon cœur : Je veux faire un heureux !
Nos biens sont différens, mais notre âge est le même.
Et ma fortune et moi seront à lui, s’il m’aime…
Las ! vous ne m’aimez pas ! Plus âpre chaque jour,
L’orgueil dessèche en vous la tendre fleur d’amour ! »

Il reprit : — « Je suis tel que dans notre jeune âge.
En moi la fleur d’amour rit de l’orgueil sauvage.
Un cœur simple et loyal me dit seul mon devoir.
Celui qui sait donner sait aussi recevoir.
Comme votre beauté je sens votre mérite,
Et ce n’est jamais vous, ô veuve, qu’on évite.
Pourtant j’ai ma fierté. Devant votre foyer
Si je m’assieds en maître, un jour, moi, journalier,
Par le travail des champs ou par quelque négoce
Je veux du moins gagner mes vêtemens de noce ;
Loin de vous éviter, alors je viens à vous ;
Debout, sur votre seuil, je dis : Voici l’époux ! »

Tel fut son discours fier, mais tendre, et, comme preuve,
D’une verte ceinture il enlaçait la veuve,
Et des bouts de la chaîne entre ses mains flottans.
Près de lui, prisonnière, il la retint long-temps.
Et les ardens soupirs, les expressions molles
Qu’on envie aux jours froids des sévères paroles,
S’échangèrent sans crainte à l’ombre de l’auvent ;
Puis tous deux, accordés, s’éloignèrent rêvant.


CHANSONS DE PRIMEL.


LE RAMIER.


On pleure amèrement seul, loin de son pays ;
Loin de l’objet qu’on aime, amèrement on pleure ;