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Ainsi, en Bavière, en Prusse, en Autriche, les fautes des gouvernemens ont trouvé bien vite le châtiment qu’elles méritaient. Voyez au contraire l’Espagne, le Piémont, l’Angleterre, la Belgique !

L’Espagne allait de révolution en révolution. Quand la nôtre éclata, on pouvait croire que l’Espagne allait prendre feu. Nullement. La reine Isabelle s’était soumise au gouvernement représentatif. Une constitution très libérale était loyalement pratiquée. L’Espagne ne vit pas qu’elle eût rien à gagner à nous imiter. Nos fautes et nos malheurs lui furent une leçon. Le gouvernement espagnol, à la tête duquel était pourtant un général énergique, au lieu de diminuer les libertés, constitutionnelles, les accrut, et ce remède a parfaitement, réussi.

Qui doute que le flot de la révolution de février, débordant en Piémont par Chambéry et par Gênes, n’eût tout entraîné, si la maison de Savoie, n’avait pas eu pour rempart le statut royal ? Ce statut créait un parlement, et le parlement introduisait la nation dans le maniement de ses affaires. La nation fit donc cause commune avec son roi. La première république française avait soufflé aisément sur la vieille monarchie sarde ; celle de février ne put rien contre la nouvelle monarchie constitutionnelle du Piémont.

Admirez comme, à chaque danger qui la menace, l’Angleterre avance au lieu de reculer dans la carrière des améliorations sociales, et trouve son salut dans un progrès nouveau ! L’Irlande, mise depuis des siècles en dehors du droit commun, se révoltait sans cesse : on l’apaisa par l’émancipation des catholiques. Quand la révolution de juillet, dans sa beauté sans tache, émeut le peuple anglais et le transporte d’un enthousiasme, qui peut devenir périlleux, on fait la réforme, une réforme profonde qui tient lieu d’une révolution. Le principe territorial est trop dominant : le bill des céréales vient favoriser les classes industrielles et commerciales ; Il y a en Angleterre d’affreuses misères et souvent la plus dégradante ignorance mal cachées, sous le manteau éblouissant de l’aristocratie la plus opulente et la plus éclairée : on prend en main, avec une ardeur toujours croissante, l’instruction primaire, on multiplie les institutions de bienfaisance, on s’occupe du peuple, on vient à son aide, on le plaint, on l’honore, on l’aime ; il le sent, et il reste calme.

Mais l’exemple le plus frappant nous vient de notre voisine la Belgique. La monarchie belge était perdue si la révolution de février eût rencontré devant elle en Belgique le ministère catholique et ultraconservateur de M. de Theux ; mais quelques mois auparavant, le roi Léopold avait changé son cabinet, et mis à la tête du gouvernement l’ami et l’analogue de M. Barrot en Belgique, M. Rogier. M. Charles Rogier est avant tout un homme de cœur, fidèle à ses convictions, les soutenant avec énergie dans l’opposition et les pratiquant avec modération