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la plus sérieuse attention. Déjà plusieurs lois excellentes sur l’assistance publique ont été faites, et elles en attendent d’autres. Au moins désormais il sera difficile de ne pas compter avec le peuple et de ne pas éveiller surtout ce qui l’intéresse. Ce sera peut-être là le résultat le plus certain, et puisse-t-il, être durable, de la révolution de février.

Telles sont les véritables causes de cette révolution : elles sont dans les fautes déplorables des deux dernières années du gouvernement de juillet D’un bout de l’Europe à l’autre, les mêmes causes ont produit les mêmes effets, et une conduite contraire a été salutaire et bienfaisante.

En Bavière, les désordres du monarque avaient fait courir à la monarchie les plus grands périls : pour la sauver, il a fallu que le royal amant de Lola Montès abdiquât.

En Prusse, un roi plein d’esprit, de talent, de nobles intentions, au lieu de donner une constitution digne du XIXe siècle et de la nation de Frédéric, persistait dans un refus systématique ; quand on lui parlait de la liberté civile et religieuse, et d’un gouvernement parlementaire comme en Angleterre et en France, il répondait par l’état chrétien et par l’état historique. De là les barricades de Berlin et l’humiliation profonde de la royauté personnelle contrainte de venir, s’incliner devant les cadavres de ses ennemis.

Avant le 24 février, nos nouveaux esprits forts en politique célébraient à l’envi le génie de M. de Metternich. L’influence, chez nous, avait passé de l’Angleterre à l’Autriche. C’est M. de Talleyrand qui, le premier, conseilla au roi d’abandonner l’alliance anglaise et l’amitié d’un gouvernement qui lui paraissait devenu révolutionnaire entre le, mains des whigs, pour se rapprocher de l’Autriche et rentrer par elle peu à peu dans la famille des royautés légitimes. Ce conseil avait été suivi. M. de Metternicb passait dans le cabinet des Tuileries pour l’homme d’état accompli ; ses paroles étaient des oracles ; il faisait et défaisait les réputations à Paris. Comme il n’y avait pas de liberté de la presse en Autriche, d’honnêtes conservateurs en concluaient que tout y allait au mieux. Il n’y avait pas là non plus d’opposition tracassière pour calomnier le gouvernement, avilir l’autorité et dissoudre la société. Tout à coup ce grand ministre est convaincu de s’être endormi dans l’illusion du plus imprévoyant égoïsme, de n’avoir pas plus compris son pays que son siècle, et d’avoir ignoré les dispositions de tout ce qui l’entourait, aristocratie, bourgeoisie, ouvriers, paysans. Vienne aussi a eu sa révolution ; d’événemens en événemens, de catastrophe en catastrophe, l’Autriche a été remuée de fond en comble, et des hommes nouveaux, éclairés, courageux, sagement novateurs, entreprennent de la tirer du chaos où l’avait, laissée M. de Metternich. Qui lui eût dit, en 1847, qu’un an à peine écoulé, M. de Bruck et M. Bach conduiraient les affaires de la monarchie à côté d’un Schwarzenberg ?