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des biens fonds d’une valeur de 600 piastres, tous ceux qui, travaillant personnellement, y formeront un établissement agricole à titre de propriétaires. Le délai de six ans requis pour obtenir la qualité de citoyen est réduit de moitié pour les étrangers qui contracteront mariage dans le pays, ou formeront un établissement agricole dont le capital sera au moins de 42,000 piastres. Comme corollaire de ces appels à l’immigration blanchie gouvernement a offert depuis les frais de voyage, des concessions de terrain, des instrumens aratoires et six mois de vivres à tout cultivateur qui voudrait s’établir dans le pays. Qu’il vise ou non à la naturalisation, tout étranger professant un art, une science ou une industrie jouit, en foulant le sol de la république, de tous les droits civils attachés à la qualité de Dominicain. Ces droits sont ceux que détermine la législation française. Nos codes, que la population de l’est avait pu, apprécier dès le temps de Ferrand, ont en effet seuls échappé à l’universelle répudiation dont elle frappait l’héritage politique, amoral et religieux de ses oppresseurs. Une présidence quatriennale, un conseil conservateur de cinq membres et un tribunat de quinze membres, émanant l’un et l’autre de l’élection indirecte et formant ensemble le congrès, des institutions provinciales et communales assez analoues à celles de l’Espagne, complètent la loi fondamentale des Dominicains. Parmi les dispositions transitoires en figurait une qui valait tous les autres articles ensemble : c’est l’article 10, qui investissait Santana d’une sorte de dictature irresponsable jusqu’à la conclusion de la paix.

Le début dictatorial de Santana donna un noble démenti aux accusations de la coterie Jimenez. Le nouveau président appela au ministère Jimenez lui-même et son second, le général Puello. C’était généreux, mais c’était en outre habile, car Santana enlevait par là toute initiative à ces deux hommes et les plaçait sous sa surveillance immédiate. Avec un à-propos qui ne manquait pas de finesse, Jimenez, l’adversaire, bavard de la prépondérance militaire, et qui n’avait étudié jusque-là que la théologie, fut placé au ministère de la guerre. Puello, militaire estimé et influent, reçut en revanche, le portefeuille de l’intérieur. Qui n’a pas des prétentions à la spécialité des autres ? J’imagine donc que la vanité de Jimenez et de Puello fut énormément satisfaite d’un partage qui, en réalité, achevait de les neutraliser en éloignant chacun d’eux de son centre naturel, d’action. Pour le début politique d’un Seybano qui n’avait pratiqué jusque-là d’autre diplomatie que celle du machete, ce n’était pas trop mal, comme on voit. Deux hommes sûrs, Bobadilla, avocat très fin, qui avait organisé le soulèvement dans la province de Santiago, et Muira, ancien employé des douanes et compère de Santana, complétaient le cabinet.

Mais c’est surtout, dans l’organisation de la jeune république que ce