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partie intégrante du gouvernement, et que, selon les circonstances, la veille opposition, elle est ministère le lendemain ? Comme si d’ailleurs l’opposition qui allait prendre les affaires était composée de démagogues et d’anarchistes ! M. Thiers avait fait vingt fois ses preuves. M. Barrot fit les siennes dans cette fatale journée.

Le matin, sans être ministre, quand on acceptait à peine son nom, seul, avec quelques amis, il allait aux barricades, et des Tuileries jusqu’à la porte Saint Denis et la porte Saint-Martin je l’ai vu affrontant des dangers qu’on a oubliés aujourd’hui, sachant trouver les paroles qui convenaient le mieux, déployant des ressources d’esprit et de caractère que ses plus vieux amis ne lui soupçonnaient pas. Toutes les barricades réformistes se sont écartées devant lui, et il n’a dû s’arrêter que devant les barricades démocratiques et socialistes qu’il eût été aisé de cerner et de contenir, si derrière nous, aux Tuileries, on eût su former un gouvernement au lieu d’y discuter les points et virgules d’un programme ! Et, après l’abdication du roi, la scène changée et transportée des Tuileries à la chambre des députés, M. Barrot, entouré par les vainqueurs, pressé de laisser mettre son nom sur la liste du gouvernement provisoire, rejetait hautement toutes les propositions qui lui étaient faites, et montait à la tribune avec M. Dupin pour défendre ce qui restait de la monarchie de juillet.

Que faisait cependant le parti conservateur, ou plutôt le petit parti qui en usurpait le non qui, la veille encore, faisait sonner si haut son dévouement à la dynastie, repoussait M. Molé, et se préparait à attaquer M. Thiers et M. Barrot comme des révolutionnaires ? Le moment était bien venu de témoigner de ce grand dévouement et de payer de sa personne. Dans cette séance mémorable où Mme la duchesse d’Orléans fit paraître un si beau caractère, vainement elle chercha ceux qu’elle avait accoutumé de rencontrer aux Tuileries. Autour d’elle, elle n’a guère aperçu que des membres de cette opposition calomniée, faisant cortége à une femme, à un enfant, derniers représentans de la royauté. C’est alors qu’elle a pu apprendre à connaître des hommes tels que M. Barrot, M. Dupin, M. de Rémusat, M. Jules de Lasteyrie, M. de Mornay, etc. Réfugiée à l’hôtel des Invalides, quels défenseurs l’y ont suivie ? La plupart de ceux dont je viens de citer les noms, et quelques ardens, mais sincères réformistes, qui, ayant le matin accepté la régence, y demeuraient fidèles. Disons aussi que M. le duc de Nemours, qui n’avait voulu à aucun prix se séparer de la femme et du fils de son frère, pouvant enfin confier ce dépôt sacré à une amitié nouvelle, mais assurée et inviolable, trouva cette nuit un asile dans la maison d’un républicain.

Il est puéril d’expliquer la catastrophe de février, comme celle de juillet, par des hasards, par un ordre mal donné et mal exécuté, par