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charme ; jamais elles ne sont entièrement suspendues, même quand souffle le mistral, ce fléau des côtes de la Provence. Nul souci des marées ; à toute heure du jour, les canots trouvent au quai la mer pleine. Les édifices de l’arsenal, ramassés autour de la grande darse, se prêtent un mutuel appui ; là tout est sous la mais pour l’armement des vaisseaux. La corderie développe sa façade monumentale le long du côté septentrional ; parallèlement on a construit des hangars, des ateliers, des dépôts de toute sorte ; on sait assez quelle multitude d’objets divers entrent dans un vaisseau ; la nomenclature en va, dit-on, jusqu’à 32,000 ; nous n’en ferons pas l’énumération. La face de l’ouest est occupée par les magasins particuliers des vaisseaux ; les ancres, les canons, les boulets rangés sur le quai dans un ordre sévère, donnent à cette partie recalée du port un caractère imposant. L’atelier des machines à vapeur est situé sur le bord méridional : c’est un édifice monumental ; mais, des murs mobiles, des toitures flexibles conviendraient mieux à sa destination que les voûtes grandioses qui l’emprisonnent. Là se trouvent aussi trois magnifiques bassins de carénage où l’art a développé toutes ses ressources ; des machines d’épuisement suppléent au mouvement alternatif du flux et du reflux qui, dans l’Océan, remplit et vide ces bassins. Le bagne est du même côté ; Dieu veuille qu’il soit bientôt transformé en appendice de l’atelier à vapeur ! On comptait autrefois sept cales de construction dans l’arsenal ; trois ont été supprimées et remplacées par une chaudronnerie à vapeur, une quatrième sert de cale de halage ; des trois qui restent, deux sont couvertes d’une toiture fixe que portent de doubles piliers disposés en colonnades, luxe dispendieux et lourd et d’une utilité contestée. Le grand chantier des constructions navales a été transporté sur le bord oriental de la petite rade, sous l’abri du fort Lamalgue et d’un chemin couvert dont Vauban a donné la première idée : un événement sinistre a fait connaître à toute la France le nom du Mourillon. Un front de quinze cales, où devront s’élever autant de frégates ou vaisseaux, s’étend le long du rivage ; l’officier de mer seul peut éprouver une secrète tristesse à ce spectacle, car les enrochemens qu’il a fallu faire pour les fondations ont rendu dangereux sur ce point l’échouage des navires, si doux autrefois dans la vase et les algues. L’établissement a ses ateliers, sa fosse aux mâts, ses nouveaux hangars à bois entourés de rigoles contre l’incendie ; la France n’en possède pas de plus grand en ce genre.

Toulon n’a pas cette majesté d’aspect qui saisit et surprend dans le port de Brest : à Brest l’ame s’étonne, à Toulon tout sourit. Ici la rade est plus restreinte et aussi mieux abritée ; bien qu’elle aille toujours s’envasant et qu’il faille la curer, opération qui coûtera 8 millions de francs, quelle sécurité profonde on y respire ! comme tout