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un cercle sans fin de combats sans objet. C’est là la pensée funeste que l’empereur avait fait pénétrer dans tous les esprits ; c’est elle qui a miné son autorité et amené sa chute. La France a-t-elle donc eu tort de ne pas s’ensevelir sous les ruines de l’empire ? J’en appelle à l’Europe et à la conscience du genre humain.

La France accueillit la restauration avec deux sentimens opposés : avec espérance à la fois et avec tristesse. La maison de Bourbon revenait, comme on l’a dit, à la suite de l’étranger, et elle pouvait ramener l’ancien régime ; mais d’un autre côté elle ramenait la paix dont la France avait grand besoin, et elle donnait la charte, qui consacrait à peu près les principes de la révolution et continuait, en les améliorant, les constitutions impériales. La France, après des commencemens difficiles, se résigna à la restauration, prit au sérieux la charte, et il y eut là, de 1817 à 1821, de belles années, animées et paisibles, ou le gouvernement et la nation se donnèrent la main et offrirent à l’Europe un noble spectacle. Interrompu pendant quelque temps, sous le ministère qui fit la guerre d’Espagne pour obéir aux puissances du Nord, leva sur la nation le milliard de l’émigration, proposa le rétablissement du droit d’aînesse et l’odieuse loi du sacrilège, ce spectacle recommence après les élections de 1827. La France victorieuse se contente d’un changement de ministère fait à propos ; elle désarme, elle s’apaise, et, dès que son gouvernement n’est plus contre elle, elle est avec son gouvernement. Elle était ministérielle sous M. de Martignac, et, tranquille sur son honneur et sur sa liberté, elle ne pensait qu’au travail, au commerce, à l’industrie ; elle applaudissait à l’expédition de Grèce et se livrait avec enthousiasme aux arts qui charment la vie, aux grandes études qui l’ennoblissent. Elle soutenait tous les hommes qui se distinguaient par un libéralisme modéré. Une popularité sérieuse s’étendait jusque sur les humbles cours de trois professeurs bien connus pour appartenir au parti constitutionnel. M. Royer-Collard, élu, par sept collèges et président de la chambre des députés, était le représentant de l’opinion générale.

Qui a troublé cet heureux accord du gouvernement et de la nation ? qui a ranimé et soulevé les passions ? qui a appelé aux armes une jeunesse studieuse ? qui a fait la révolution de 1830 ?

Ce qui a fait la révolution de 1830, c’est le ministère Martignac renvoyé et remplacé par un ministère évidemment appelé pour travailler à l’œuvre de la contre-révolution ; c’est le roi Charles X lui-même, qui, las des entraves constitutionnelles, voulut être à lui seul le gouvernement, comme le roi l’était avant 1789 ; c’est lui qui, au lieu de laisser dormir ce fatal article 14, qui était le génie de l’ancien régime enchaîné en quelque sorte par tous les autres articles de la charte, l’évoqua et porta la main sur la charte, qui représentait la révolution. Fallait-il