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droits d’entrée qui grevaient les céréales ainsi que les matières premières, et depuis la réduction des tarifs qui réglaient l’importation des denrées coloniales, est attestée par l’accroissement prodigieux de la consommation. La consommation du sucre a augmenté, depuis 1842, de 60 pour 100, celle du thé et du café de 30 pour 100, celle du caco de 31 pour 100. Le marché de Londres est devenu le principal débouché des produits agricoles de l’Europe. C’est vers la Tamise et vers la Mersey que sont dirigés les nombreux chargemens de grains expédiés, de tous les points des deux continens. En 1849, l’Angleterre a importé, en grains de toute nature, plus de 30 millions d’hectolitres. Chaque semaine, les bateaux à vapeur emportent des rivages de la France, de la Belgique et de la Hollande, des cargaisons de bestiaux, de volailles, d’oeufs et fruits. Le prix du blé en Angleterre n’excède guère que de 15 à 20 pour 100 les mercuriales du continent ; le prix de la viande a baissé de 25 pour 100. Londres, la capitale de la cherté, est maintenant au luxe près des équipages et des domestiques, sur le même pied que Paris pour les conditions matérielles de l’existence. Aussi le peuple anglais, qui reçoit des salaires élevés et qui vit à bon marché, recommence-t-il à prendre le chemin de l’épargne. Les dépôts des caisses d’épargne, qui demeuraient à peu près stationnaires, se sont accrus, pour l’Angleterre seule, de plus de 100 millions de francs en quatre années, de 1841 à 1845. La misère en même temps rétrogradait à vue d’œil. En Angleterre, depuis 1848, le nombre des pauvres secourus a diminué de 140,000, et la dépense de 1849, comparée à celle de 1845, présente une réduction d’environ 38 millions de fr, ou de 30 p.100.

Voilà des avantages qui ne sauraient être estimés trop haut et dont le bienfait se répand sur la nation tout entière. Au point de vue fiscal, la réforme des tarifs a-t-elle obtenu le même succès ? C’est sur ce côté de la question qu’il convient aujourd’hui de porter la lumière.

Lorsque sir Robert Peel présenta son plan financier à la chambre des communes, le déficit de l’année 1842 était évalué à 2,569, 000 livres sterling, auquel, venant se joindre au déficit des cinq années antérieures, donnait un découvert total d’environ 10 millions sterling (50 millions de francs). Le chef du ministère, laissant à la charge de la dette flottante les découverts antérieurs, ne craignit pas d’ajouter à celui de 1842 l’abandon de 1,596,000 livres sterling sur le revenu des douanes, en proposant, pour combler la distance entre les dépenses et les recettes, un impôt direct dont il estimait le produit à 4,310, 000 liv. sterling, et en se ménageant ainsi un faible excédant de ressources. Sir Robert Peel élargit deux ans plus tard cette voie dans laquelle ses successeurs l’ont suivi, il faut le dire, avec plus de servilité que de discernement. Voici dans quels termes le chancelier actuel de l’échiquier