Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 10.djvu/316

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour la politique révolutionnaire. M. de Radowitz, pendant ce court séjour à Paris, vit Louis-Philippe et M. Guizot ; il fut singulièrement frappé de leur attitude et il crut a la force de ce gouvernement libéral, tenu si long-temps en défiance par l’absolutisme du nord. L’impression qu’il en rapporta fut telle qu’elle donna lieu à diverses anecdotes répandues aussitôt par les échos de la publicité. On citait des prédictions de M. de Radowitz sur la longue durée promise au régime de juillet ; ce grand ennemi de la monarchie constitutionnelle aurait vu toutes ses préventions s’évanouir devant la sagesse du roi des Français, et il aurait acquis la certitude que, pendant bien des années encore, la France était appelée à être l’arbitre des destinées européennes. Parmi les solennelles paroles qu’il aurait recueillies de la bouche du roi, celles-ci surtout l’auraient convaincu de la mission de Louis-Philippe dans le monde et de la protection spéciale qui lui était due par la Providence suprême : « J’ai passé ma vie à étudier la France ; il y a deux choses dont le pays ne veut pas, la république et la guerre. Ma vocation est de l’empêcher de rien dire et de rien faire qui puisse le conduire, à l’une ou à l’autre » M. de Radowitz a formellement nié les prédictions trop précises qu’on lui attribuait et auxquelles les événemens étaient venus donner un démenti si brusque. Ce qu’il n’a jamais eu l’intention de contester, c’est sa vénération profonde pour l’auguste personnage dont la prudence assurait depuis dix-huit ans la paix de l’Europe et ouvrait ainsi la route à tous les développemens de la civilisation, à toutes les expériences fécondes de la liberté.

M. de Radowitz était revenu à Berlin quelques jours avant la révolution, de février. La question de L’unité allemande fut débattue de nouveau dans les conseils de Frédéric-Guillaume IV. La première mission de -M. de Radowitz ayant été rendue à peu près inutile par les préoccupations des affaires de Suisse, il fut décidé qu’il repartirait pour Vienne. La nouvelle des événemens de Paris ne détourna pas le gouvernement de ses projets ; seulement, la mission de M. de Radowitz eut dès-lors un double but aux propositions de la Prusse sur les réformes de la diète, il devait enjoindre d’autres sur la politique à suivre en face des dangers d’une situation si grave. La réforme du pouvoir central n’en était pas moins le plus ardent souci de Frédéric-Guillaume IV et de son plénipotentiaire. Les instructions données à M. de Radowitz, le 1er mars 1848, par M. de Canitz alors ministre des affaires étrangères, contiennent ces étonnantes paroles : « Avec toute la confiance que nous inspire la sagesse du gouvernement impérial, nous espérons que notre proposition sera favorablement accueillie. Si nous nous étions trompés, nous regarderions comme un devoir de nous adresser directement à la diète elle-même et de prendre en main, selon la mesure de nos forces, les intérêts de la cause allemande. » Le