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l’Autriche au mois de décembre et se rendit à Paris. M. le comte Waldsee-Colloredo y venait, de son côté, au nom de l’Autriche ; ils étaient chargés tous deux d’unir leurs efforts à ceux de M. Guizot pour pacifier la Suisse et protéger les cantons catholiques contre la brutalité des vainqueurs. Un publiciste très bien informé[1] a remarqué avec raison combien la situation de la France était changée, puisque ces puissances du Nord, qui, en 1840, avaient pris le parti de l’Angleterre contre nous, s’empressaient, en 1847, de réclamer notre médiation. En 1840, l’Angleterre, exploitant à notre préjudice les défiances de l’Autriche, de la Prusse et de la Russie, avait fait exclure la France du concert européen ; sept ans plus tard, sans intrigues, sans aucune démarche contraire, à la dignité d’un grand pays sans le moindre abandon de nos principes et de notre politique, nous voyions ces mêmes puissances revenues à nous, et l’Angleterre isolée à son tour dans les conseils et les délibérations de l’Europe. La part que M. de Radowitz a prise à ces négociations tiendrait une place considérable dans sa carrière diplomatique, si des événemens terribles n’étaient venus tout bouleverser. Déjà, sous l’influence de. M. de Radowitz et de M. le comte Colloredo, des notes très vives avaient été échangées entres les ministres de France, de Russie, d’Autriche et de Prusse d’une part, et la confédération helvétique de l’autre. Des mesures plus de cilices allaient être prises en commun ; une conférence devait s’ouvrir à Paris le 15 mars 1848, et l’on était résolu à donner une forme précise aux arrangemens déjà convenus. On sait comment la révolution du 24 février proposa aux hommes d’état européens des problèmes bien autrement redoutables. Toutes ces négociations devenaient impossibles ; la Suisse était soustraite pour long-temps aux périls et aux menaces qu’elle avait provoqués. Avertie même par l’expérience, elle se calma tout à coup. La révolution, au moment où toute l’Europe semblait assurée d’une longue paix, avait établi son foyer à Lausanne et à Genève ; lorsqu’elle éclata en France, en Italie et en Allemagne, la Suisse échappa au fléau. Cet épisode des affaires de Suisse, quoique abrégé brusquement par l’explosion du 24 février n’a pas cependant une médiocre importance dans la vie de M. de Radowitz ; une telle mission prouve bien quelle était déjà l’autorité de son caractère. Il s’agissait de combattre la révolution, c’est M. de Radowitz qui fut choisi. Nous aurons si souvent le regret de voir le brillant homme d’état sacrifier à ses chimères la grande cause de l’ordre et fournir des armes aux passions démagogiques, que nous devons insister sur ce point. Aucun nom ne signifiait mieux alors l’aversion la plus complète

  1. Affaires de Suisse jusqu’à la Révolution de Février, par M. d’Haussonville, Revue des Deux Mondes, 15 février 1850.