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d’autres sujets l’occupent encore : il glisse assez rapidement sur les questions industrielles ; mais tout ce qui se rattache à l’ame et à l’intelligence, tout ce qui intéresse la dignité morale attire son attention. Il y a tout un dialogue et l’un des plus remarquables, spécialement consacré à la poésie allemande de ces dix dernières années. M ; de Radowitz sait très bien qu’en Allemagne, dans un pays où le nombre des lettrés est bien plus grand que partout ailleurs, dans un pays où les questions philosophiques et littéraires ont souvent l’importance d’une controverse politique, des travaux de l’esprit, les chants des poètes, comme les systèmes des philosophes, sont des symptômes qu’il est impossible de méconnaître. De M. Henri Heine à M. Freiligrath, il n’est pas un des tribuns de la poésie, qui ne soit apprécié dans ses œuvres mêmes et dans les tendances cachées dont il est l’interprète. M. de Radowitz pousse peut-être un peu trop loin l’indulgence, lorsqu’il apprécie les personnes ; on est étonné surtout que M. de Waldheim exprime tant de sympathies pour les chefs de la poésie démocratique, et les défende si vivement contre les rudes attaques du piétiste. « N’avez-vous donc jamais ressenti en les lisant, ce chaleureux enthousiasme que la vraie poésie peut seule éveiller en nous ? et nierez-vous que leurs chants expriment à merveille les réclamations si légitimes de votre conscience ? » Ainsi parle M. de Waldheim, au grand étonnement du lecteur. Quelles sont donc ces réclamations communes à M. Herwegh et à M. de Radowitz ? Celles qui ont pour but l’unité de la patrie allemande. Tels sont les entraînemens de la passion ; l’adversaire de la philosophie démocratique, le catholique ardent qui poursuit partout, et avec une si haute raison, l’esprit du panthéisme hégélien, fait grace à M. Herwegh, à M. Prutz, à M. Freiligrath ! Pourquoi ? parce qu’ils célèbrent l’unité nationale et qu’ils somment la Prusse de réaliser ce grand rêve.

Ainsi l’état germanique et chrétien, c’est-à-dire une monarchie féodale et le catholicisme du XIIIe siècle ; l’Allemagne reconstituée sur des bases nouvelles ; la diète régénérée sous l’influence de la Prusse ; point de plan précis, mais une sorte de confiance mystique dans je ne sais quels événements extraordinaires, d’où naîtra l’inspiration du peuple : voilà ce que renferme l’ouvrage de M. de Radowitz. Pour achever de juger en lui l’écrivain, il faut mentionner ici deux travaux moins importons, mais fort curieux : l’Iconographie des saints et les Devises et Légendes du moyen-âge, le premier publié sans bruit douze années plus tôt, le second composé vers le même temps que les Entretiens sur l’Église. À l’époque où des sympathies si vives, réunissaient le prince royal et le jeune officier d’artillerie dans un même monde enchanté, lorsque la théologie, la philosophie et l’art, interprétés avec enthousiasme, leur ouvraient de merveilleuses régions, M. de Radowitz