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royal et de M. de Radowitz porta ombrage aux conseillers du feu roi. C’est pour les séparer, assure-t-on, que M. de Radowitz fut nommé en 1836 plénipotentiaire militaire de la Prusse auprès de la diète. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’une telle mission attestait la confiance du souverain dans la haute intelligence de M. de Radowitz, et qu’on ne pouvait lui fournir une occasion plus favorable pour accroître son autorité et donner l’essor à ses chimères. De tous les rêves de M. de Radowitz ; le premier et le plus cher à son esprit était l’unité de l’Allemagne ; c’était plus encore, c’était la base même de ses constructions théoriques, car la condition essentielle de cette monarchie régénérée, telle qu’il la désirait pour la Prusse, n’était-ce pas une Allemagne vraiment unie et maîtresse de toutes ses forces ? Or, cette unité allemande, ces réformes du pacte fédéral, tous ces problèmes qui occupent en ce moment les conférences de Dresde et qui en occuperont bien d’autres, étaient déjà le souci des hommes d’état. La mission que : M, de Radowitz avait reçue à Francfort l’obligeait tout naturellement à se poser à lui-même l’inévitable demande : Comment l’unité est-elle possible ? Il était chargé de toutes les questions relatives à l’armée fédérale : or, cette organisation militaire de la diète, réglée en 1818, avait été peu à peu abandonnée ; les prescriptions du pacte étaient ou remplies négligemment ou tout-à-fait tombées en oubli. Ce spectacle, dont M. de Radowitz fut vivement frappé, imprima une nouvelle ardeur à son mystique patriotisme, et c’est de ce moment-là précisément que datent ses grands projets d’unité. Il s’y attacha d’abord en homme pratique, Envoyé à Vienne, à Munich et à Dresde pour réformer le système défensif de la confédération, il eut l’honneur de mener cette affaire à bonne fin. avec le concours du commissaire autrichien, M. le général Hess. « Pour la première fois, dit M. de Radowitz dans le curieux ouvrage qu’il a intitulé l’Allemagne et Frédéric-Guillaume IV, pour la première fois les gouvernemens de la confédération se soumirent à un véritable contrôle de la diète ; des officiers autrichiens faisaient l’inspection des forteresses prussiennes, des commissaires saxons passaient en revue les armées de l’Autriche. » De tels résultats sont considérables, et si les armées allemandes, après le premier ébranlement de 1848, ont su relever si fièrement leur drapeau, c’est aux réformes de 1841, c’est à l’active influence de M. de Radowitz qu’il convient peut-être d’en rapporter l’honneur.

Ce n’était là pourtant, aux yeux de M. de Radowitz, qu’une mesure bien insuffisante ; il lui tardait de lutter avec l’impossible, il aspirait à faire une révolution au sein de la diète. Quelle était cette révolution ? M. de Radowitz ne le savait pas lui-même d’une manière exacte ; lorsque sa pensée était forcée de conclure, il reculait bien vite devant les témérités d’une telle entreprise, et recommençait à poursuivre son rêve au milieu des nuages. S’il eût osé regarder son projet en face, s’il