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temps si dissemblables, dans des situations si contraires, dans ce flux et ce reflux des événemens les plus extraordinaires, parmi ces chutes et ces élévations également prodigieuses, sur les ruines de tant de grandeurs écroulées, la monarchie constitutionnelle est demeurée presque inviolable, suivant le progrès des temps et de la civilisation, se perfectionnant, sans cesse et survivant à toutes les dynasties A parler exactement, il faut de qu’elle a été le seul gouvernement de la France depuis la fin de la révolution ; elle seule a vécu et duré ; la république n’a été qu’une négation, et elle ne peut-être autre chose.

La révolution française a deux faces différentes qu’elle montre tour à tour à l’univers étonné. Elle est tour à tour bienfaisante ou terrible, selon les obstacles ou les facilités qu’elle rencontre. La révolution organisée, c’est la monarchie constitutionnelle ; la révolution à l’état de crise, c’est la république : La république est la face sinistre de la révolution. A-t-elle à détruire un monde vieilli et à fonder un monde nouveau, la révolution s’appelle la république ; elle porte une torche et un glaive, elle met sur sa tête un bonnet rouge, et lave dans le sang les souillures accumulées des siècles ; puis, quand tout cela est achevé, elle rentre sous terre, et fait place à des parlemens librement élus et à des rois librement choisis. Grace à Dieu, cette terrible apparition n’à eu lieu qu’une seule fois parmi nous, parce qu’une fois seulement il y avait une société à détruire et une société à fonder ; mais la société, nouvelle une fois établie, et maîtresse du sol des mœurs et des lois, il n’était plus besoin que d’évocations rares et passagères du spectre redoutable. La dernière que nous subissons encore est un avertissement solennel donné aux rois et aux peuples : aux rois, de bien savoir qu’ils sont les instrumens d’un progrès continu, qu’on n’empêche les révolutions que par les réformes, et que c’en est fait des idées particulières et des systèmes personnels des princes devant l’intérêt et la volonté des nations ; aux peuples, que les gouvernemens libres exigent des mœurs publiques, qu’on doit être digne de la monarchie constitutionnelle pour la conserver, qu’il faut savoir réclamer à la fois et le même jour des réformes légitimes et réprimer des émeutes criminelles ; qu’enfin le gouvernement représentatif n’est pas une tente une fois dressée, comme l’a dit M. Royer-Collard, pour s’y endormir dans les délices de la vie privée et l’insouciance des intérêts généraux, mais qu’il faut veiller, qu’il faut combattre, qu’il faut maintenir sans cesse à la sueur de son front les monumens du travail de nos pères et les transmettre à nos enfans agrandis et perfectionnés.

Ceci m’amène à m’expliquer sur la conduite imposée aux gouvernemens depuis la révolution française, sur les maximes qu’ils doivent suivre, sur les causes qui les soutiennent et qui les précipitent.