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cents hommes envoyés au poste d’Aïn-Tmouchen mirent bas les armes presque sans combat. Ils étaient à peine convalescens, il est vrai. Le général Lamoricière se mit aussitôt en campagne, mais il était trop tard ; toute l’Algérie était en feu. L’insurrection maîtrisée ici, se réveillait plus loin. Bou-Maza avait reparu chez les Flittas ; le Dahra et l’Ouérenséris l’attendaient en armes. Tout le cercle de Tlemcen, depuis le désert jusqu’à la mer, était soulevé. Des officiers isolés, attirés sous la tente par des Arabes, avaient été massacrés. Il était évident que toute l’Algérie obéissait à un mot d’ordre, car partout à la fois on attendait l’arrivée d’Abd-el-Kader, dans le Djebbel-Amour, sur la ligne des oasis, aussi bien que dans le Djerjera, sur le littoral.

Nos colonnes, prises entre cette insurrection formidable, avaient été obligées de se concentrer sur elles mêmes pour n’être point débordées. Agissant presque toujours isolément, elles étaient impuissantes à dominer le pays insurgé. Il était temps que le maréchal revînt. Les premières nouvelles de cette insurrection avaient beaucoup ému les esprits en France, où l’on s’était persuadé que la guerre était finie. Le maréchal, qui ne savait jamais cacher son humeur ni retenir sa langue, maugréa contre tout le monde, contre le gouvernement, contre les chambres, puis il partit avec un renfort équipé à la hâte. « En Afrique, disait-il souvent, une armée européenne est comme un taureau assailli par une multitude de guêpes. » Cette fois, il se promettait bien d’écraser le guêpier. À peine débarqué à Alger vers le milieu d’octobre, il partit avec une colonne pour l’Ouérenséris ; mais l’Ouérenséris était dépeuplé. Il fallut recommencer contre l’émir, qui fuyait toujours en traînant les populations après lui, la campagne de 1841. La chasse recommença ardente ; impitoyable, à travers les montagnes, à travers les déserts, de l’ouest à l’est, du nord au sud. La flamme et la dévastation suivaient le combat. Tant que les tribus avaient espéré pouvoir échapper à nos atteintes, elles avaient accueilli et approvisionné l’émir ; mais, sitôt qu’elles virent une colonne française apparaître toujours derrière l’émir, qu’elles avaient reçu, pour les punir de lui avoir donné asile, elles l’accueillirent bientôt à coups de fusil, Comme elles l’avaient fait deux années auparavant.

La présence seule du maréchal avait suffi pour rendre l’élasticité de leurs mouvemens à nos colonnes. Désormais Abd-el-Kader ne put faire un pas sans courir le risque de tomber au milieu d’un de ces corps expéditionnaires qui se croisaient en tous sens sur le théâtre de la guerre. Défait trois fois par le général Yusuf, commis à sa poursuite, l’émir ne l’évitait que pour aller se faire battre par le général Lamoricière. Battu par celui ci, il devait faire cinquante lieues tout d’une traite pour éviter la colonne du maréchal et se réfugier auprès de Ben Stem dans le Sebaou : il croyait y trouver un moment de repos ;