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répondit point par point à tout ce qu’il avait prévu. En Afrique, le mérite consistait, selon lui, dans la conduite de la guerre, mais nullement dans le succès des combats. Vaincre Abd-el-Kader, écraser l’insurrection, ce n’était rien ; mais assurer la conquête, c’était plus difficile, et c’est aussi où le maréchal mettait sa gloire.

À peine de retour de son expédition dans le Maroc, il apprenait que le général Comman luttait dans la Kabylie contre des forces dix fois supérieures. Le maréchal accourut aussitôt à Dellys sa présence seule suffit à vaincre la résistance des Kabyles. Après avoir rangé sous notre domination les tribus récalcitrantes, il s’embarqua pour la France dans le mois de novembre, afin d’assister aux débats qu’allaient soulever dans nos chambres les derniers événemens de la guerre d’Afrique. Ce qui le préoccupait surtout, c’était d’achever la conquête par la grande expédition qu’il avait projetée contre la Kabylie.

Tout était de nouveau tranquille en Algérie au commencement de 1845. La conquête, semblait à jamais assurée nos marchands allaient sans escorte jusqu’à quatre-vingts lieues dans l’intérieur, et pouvaient confier leurs personnes et leurs marchandises à l’hospitalité des tribus du désert ; mais ce calme n’était qu’à la surface. Une sourde fermentation régnait dans les tribus, agitées par les prédications à voix basse de quelques fanatiques ambitieux. Comme en 1839, avant la rupture du traité de la Tafna, rien ne transpirait de cette mystérieuse propagande. Même les tribus qui résistaient aux conseils de révolte et nous restaient fidèles se gardaient bien de nous prévenir, ne voulant point trahir pour nous leurs coreligionnaires. Abd-el-Kader, toujours interné dans le Maroc, inondait la province d’Oran de ses émissaires. Bou-Maza, un rusé sauvage que nous avons vu depuis à Paris, sceptique et débauché, mais toujours sauvage, travaillait le Dahra et l’Ouérenséris. D’abord repoussé, il avait eu recours à quelques tours de prestidigitation que ces fanatiques populations prirent pour des miracles.

Un beau jour, le 18 avril 1845, trois cent soixante-dix tirailleurs de Vincennes sont attaqués, sur la route d’Orléansville à Tenez, par une horde de Kabyles, et ne parviennent à se dégager qu’après deux jours de lutte continue ; cette lutte héroïque mit en relief la réputation naissante du colonel Canrobert. Au même moment, toute cette contrée montagneuse, qui s’étend depuis le Serssous jusqu’à la mer, s’agite, et des partis armés passent à travers les tribus encore fidèles. Le maréchal, qui venait d’arriver à Alger, envoie aussitôt trois colonnes dans le Dahra soulevé, chargées de combiner leurs opérations. Une de ces colonnes, sous les ordres du colonel Pélissier, opérait son mouvement de concentration vers une autre colonne, quand elle rencontra sur son chemin une tribu qui l’accueillit à coups de fusil, puis se retira dans des grottes inexpugnables c’étaient les Ouled-Rhia On les bloqua dans ces grottes, formées par deux rochers qui se rejoignaient, et par conséquent