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ni plus experts aux escalades de rochers, ni plus rapides aux incursions que les tirailleurs de Vincennes. En outre, il n’est pas de cime de montagne si élevée d’où les balles de Vincennes ne puissent déloger un Kabyle. Ces balles luttent à distance égale avec des boulets de canon. On a vu l’utilité des tirailleurs de Vincennes dans les gorges de l’Oued-Foddha, où ils ont successivement balayé les Kabyles de tous les rochers escarpés qu’ils occupaient au-devant de notre colonne. On a vu leur courage à Sidi-Brahim, ou, après avoir défendu, tant qu’ils eurent des balles, un marabout dans lequel ils s’étaient retranchés au nombre de quatre-vingts, ils traversèrent une masse compacte de six mille Arabes pour regagner Djemma-Ghazouat ; ils arrivèrent à Djemma, luttant sans trêve, toujours enveloppés, n’ayant pas d’autre protection que leur tranchante baïonnette disposée en forme de sabre ; ils étaient quatre-vingts au départ, ils ne furent que seize à l’arrivée. Même après le siège de Rome, on ne saurait prévoir de quel poids énorme nos dix bataillons de tirailleurs de Vincennes pèseraient dans une bataille européenne.

Faut il nommer les autres, corps spéciaux affectés à cette guerre, bataillons d’Afrique, zéphyrs, compagnies disciplinaires ? Ce serait montrer le revers de la médaille. À ces hommes vicieux et incorrigibles, il ne reste à peu près rien d’humain, ni le désir de vivre ni la crainte de mourir. Ils tuent et se font tuer, c’est tout. Ne pouvant plus rien donner que leur sang à la France qui les repousse, ils le donnent volontiers, comme faisaient les gladiateurs avilis. Mais, si les compagnies disciplinaires sont le rebut de l’armée, il est juste d’ajouter que leurs officiers et sous officiers en sont l’élite, En dehors de ces corps spéciaux, toute l’infanterie française a participé à la guerre d’Afrique. Il est peu de nos régimens que le soleil africain n’ait point durcis aux fatigues, et habitués à toutes les épreuves militaires. Nommer ceux qui se sont distinguée en Algérie serait commettre une injustice envers ceux qu’on aurait oublié de mentionner. Tous ont leurs états de service portés aux bulletins de l’armée ; l’occasion seule a donné les préférences.


IV. – LA GUERRE DEPUIS 1841.

La prise du col de Mouzaïa en 1840 est peut-être le plus brillant fait d’armes de toute la guerre d’Afrique. Cependant, après ce combat, nos affaires n’en furent pas plus avancées dans l’Algérie ni même dans la province d’Alger. Comme par le passé, nos soldats détachés furent enlevés, dans la Mitidja et nos convois surpris ; comme par le passé, il fallut recommencer des expéditions pour aller délivrer nos garnisons isolées. La concentration d’un corps de troupes un peu considérable prenait des mois entiers. En un mot, le système de guerre qui convenait le mieux pour assurer notre domination était encore à