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arrêté sous le feu d’une troisième redoute par un ravin que nous avons décrit, et dont ses zouaves ne pouvaient franchir les berges escarpées. Culbutés par les Kabyles qui occupaient ces parapets ensanglantés, ils revenaient à la charge pour être culbutés encore. Tout à coup les tambours du 2e léger se font entendre derrière les Kabyles. Les zouaves, exaltés par ce bruit secourable, font un suprême effort : les voilà sur la berge, les voici dans la redoute, d’où les ennemis, fuient en désordre, et les deux chefs se précipitent avec effusion dans les bras l’un de l’autre au milieu de leurs colonnes réunies. Le duc d’Orléans arrivait dans ce moment même, avec la troisième colonne, au haut du col de Mouzaïa, après avoir éteint une batterie qui le prenait en écharpe.

Telle fut cette glorieuse escalade du Mouzaïa. Il fallut trois jours au génie militaire pour rendre la descente du col, du côté de Médéah, praticable à l’artillerie. À gauche de la route, sur les dernières pentes du sud, on rencontre un plateau dominé au nord-est par une arête de rochers c’est le bois des Oliviers. Sur ce plateau, si favorable à l’embuscade et à la défense, les Kabyles devaient se retrouver toutes les fois que nos colonnes iraient ou reviendraient de Médéah à Blidah. Ils y étaient cette fois : les zouaves les en chassèrent.

Cette longue campagne de l’Atlas dura six mois, et chaque jour eut son combat. Il fallu poursuivre les Kabyles sur les deux versans de la chaîne, les chasser tantôt de devant Médéah, tantôt de devant Milianah ; châtier les tribus hostiles ; et ravager leur récolte et leur territoire ; aller de l’ouest de la Mitidja, où El-Berkani multipliait ses incursions, à l’est où Ben- Salem tentait de s’établir. La saison des pluies, qui correspond à l’hiver chez nous, devait seule imposer un armistice aux combattans engagés dans cette longue lutte, si vaillamment soutenue par l’infatigable Changarnier, récemment promu au grade de général.

Vers le milieu du mois d’août, Abd-el-Kader retournait à Mascara, où il allait recruter de nouveaux contingens. Dans le même temps, Lamoricière, fait général en même temps que Changarnier, se dirigeait vers. Oran comme gouverneur de la province. Là aussi les tribus avaient rompu le bâton de la paix. Ben-Thami, khalifa de Mascara, avait poussé contre Nostaganem toutes les tribus du Sig et de l’Habra, pendant que Bou-Harbédi, khalifa de Tlemcen, ameutait, contre Oran les populations guerrières des bords de la Tafna Le but de Ben-Thami était de s’emparer du bourg de Mazagran, situé à quelques portées de fusil de Mostaganem, afin de surveiller de là la garnison française de cette dernière place ; mais il avait compté sans la bravoure française, et il trouva le fort de Mazagran occupé par cent vingt trois hommes du bataillon d’Afrique, commandés par le capitaine Lelièvre, et dont l’attitude héroïque fit reculer cinq ou ’six mille cavaliers arabes.