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Telles sont les positions formidables que le corps d’expédition devait aborder pour arriver à la route de Médéah et de Milianah. Toutes les crêtes orientales, par lesquelles seulement le passage du col parait accessible, avaient été couronnées de retranchemens et de redoutes par Abd-el-Kader. Le piton qui reliait toutes ces arêtes fortifiées était armé de plusieurs batteries, et ces batteries elles-mêmes étaient protégées par des nuées de tirailleurs kabyles perchés sur les roches qui dominent le piton. Chaque tournant de la route chaque anfractuosité de la montagne, chaque précipice recélait dans ses flancs un gros d’ennemis prêts à recevoir nos soldats à bout portant. Autour du col de Mouzaïa, Abd-el-Kader avait réuni, tous les réguliers qu’il avait pu ramasser dans les tribus depuis Maskara jusqu’à Sétif.

L’ascension commença au point du jour : ce fut la première division qui l’opéra Cette division formait trois colonnes : la première, forte de dix-sept cents hommes était commandée par le général Duvivier ; elles avança à gauche de la route, chargée d’aborder le piton à travers les crêtes fortifiées qui s’y rattachent ; la seconde colonne, forte de dix-huit cents hommes, était commandée par le colonel Lamoricière elle était chargée de tourner les positions retranchées du col, en prenant la droite de la route à travers les escarpemens et les ravins ; le duc d’Orléans commandait la troisième colonne, chargée d’aborder directement le col en suivant la route.

À travers mille obstacles et mille dangers surmontés, le général Duvivier monte toujours ; tournant par l’escalade les retranchemens des Kabyles, laissant au 2e léger, conduit par son intrépide colonel Changarnier, le soin de les détruire en passant. Il dit à ses soldats décimés qu’ils resteront toujours bien assez nombreux pour s’emparer du piton, but de leurs efforts. Un nuage passant au front de la montagne lui permet de se reposer un instant, en le cachant à l’ennemi ; mais à peine le nuage est-il passé, que la colonne tout entière se voit massée sous le feu des trois batteries échelonnées sur le piton. La mitraille fait des trouées terribles dans nos rangs. C’est un de ces momens où il faut tenter l’impossible ; l’impossible réussit cette fois. Par un élan prodigieux, nos soldats se précipitent sur la première batterie et l’enlèvent à la baïonnette, le second et le troisième retranchement sont enlevés de même : les Kabyles perchés sur la cime du piton, n’osant aventurer leur feu au sein de cette ardente mêlée, s’affermissent sur le parapet pour recevoir le choc de nos soldats vainqueurs, qui bientôt les culbutent du haut de cette aire d’aigle et les précipitent dans l’abîme Le drapeau du 2e léger, si glorieusement porté dans toute cette guerre, surtout depuis l’a première retraite de Constantinople, flotte enfin sur la plus haute cime de l’Atlas.

Pendant ce temps, le colonel Lamoricière, après avoir enlevé les retranchemens qui se trouvaient sur la droite de la route, se voyait