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se laisser surprendre par eux. Des feux allumés pendant la nuit sur les hauteurs prouvaient au général Bugeaud qu’en effet Abd-el-Kader se trouvait à portée et suivait sa marche. Il songea donc à offrir à l’émir un terrain de combat qui lui rappelât la Macta. C’était une vallée profonde, au confluent de deux rivières, à la Sikkah, les deux affluens formant deux gorges transversales. Le général apprit bientôt que son arrière-garde était attaquée par les cavaliers de l’émir, embusqués dans une des gorges. Alors, comme pour dégager son convoi, le général se mit en retraite dans la vallée, ayant l’air d’abandonner son arrière-garde. Abd-el-Kader, trompé par cette manœuvre, se lança vivement, avec toute son infanterie, vers le front de notre, colonne, croyant la poursuivre. Nos soldats ; par un changement de front subit, reçurent le choc de l’ennemi, qu’ils écrasèrent. Dans le même temps, le général détachait deux bataillons pour aller délivrer I’arrière-garde et la rallier. Bientôt ce combat ne fut plus qu’une boucherie. Les Arabes, coupés et écrasés se jetèrent dans le ravin de l’Isser, laissant deux cents morts et cent trente prisonniers sur le champ de bataille. C’était le 6 juillet 1836. Le général Bugeaud aurait pu profiter de cette victoire pour asseoir notre domination dans toute la province ; mais tel les n’étaient point ses instructions apparemment : après avoir ravitaillé la garnison de Tlemcen, il quitta la province d’Oran et revint en France.

Cependant l’expédition de Constantine avait été décidée ; mais, lorsque le maréchal Clausel voulut demander des forces suffisantes pour l’entreprendre, on les lui refusa on lui permit seulement de tenter l’entreprise avec les ressources d’hommes et de matériel qu’il avait en Afrique. C’était condamner l’expédition. Le maréchal ne voulut pas en avoir le démenti, et, malgré la saison avancée et l’insuffisance de ses ressources, il se dirigea vers Constantine : le siége de cette place échoua, et la retraite fut un grand désastre. Heureusement ce désastre nous fit l’obligation de retourner à Constantine dans l’automne de l’année suivante, en 1837, et cette fois avec une résolution et un appareil dignes de la France. La première expédition n’avait d’autre but que de délivrer Bône des incursions incessantes du bey Ahmet et d’installer comme agha de Constantine le général Yusuf, alors chef de bataillon au titre étranger. Après le désastre de cette première expédition, il y allait de notre honneur, non-seulement d’occuper Constantine, mais encore de prendre possession de toute la province : c’est ce que nous fîmes en 1836, l’aurions-nous fait ?

La seconde expédition de Constantine ne précéda que de peu d’années l’époque vraiment brillante de notre guerre d’Afrique ; Mais entre cette expédition et la prise d’armes de 1840, se place un fait considérable dont l’Algérie a pendant long-temps ressenti les conséquences. Nous voulons parler du traité de la Tafna. Cet événement ne