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l’occupation. — Nous n’avions laissé que quinze cents hommes environ dans la province d’Oran. Cette garnison fut bientôt bloquée dans la ville : on devait le prévoir. Il devint nécessaire d’occuper successivement sur la côte Arzew et Mostaganem, qui nous reliaient à la province d’Alger. Alors on se décida à envoyer de nouvelles troupes pour soutenir ces garnisons : elles arrivèrent trop tard pour assurer leurs positions ; elles ne purent que venger les échecs éprouvés. Bougie est un point important sur la côte dans la province de Constantine : en 1833, nous n’avions pas encore songé à occuper Bougie. Il fallut, pour décider cette occupation, qu’un navire anglais eût été insulté dans le port et que le gouvernement anglais déclarât au nôtre que, puisque la France ne savait pas faire respecter un pavillon allié sur les côtes, barbaresques, l’Angleterre aviserait elle même. Cherchell est un autre port à une petite distance d’Alger. En 1839, nous savions à peine que Cherchell existât ; il fallut qu’une poignée de corsaires indigènes s’emparât effrontément d’un navire de commerce en vue même d’Alger, pour qu’une expédition se dirigeât sur Cherchell et y laissât garnison.

En 1835, les Douairs et les Smalas, les tribus les plus rapprochées d’Oran, nous demandèrent protection contre l’émir, qui voulait les contraindre à s’éloigner d’Oran. Le général Trézel crut naturellement pouvoir mettre ces deux tribu sous sa garde ; mais Abd-el-Kader déclara hautement qu’il ne permettrait jamais que des musulmans, ses sujets ; restassent sous notre autorité, dût-il les aller chercher dans les murs d’Oran même. Telle était la position que nous avait faite le traité Desmichels vis-à-vis de l’émir, qu’il nous était même défendu de protéger les tribus qui s’étaient compromises pour nos intérêts. Le général Trezel, indigné, se porta aussitôt, avec deux mille cinq cents hommes, contre l’arrogant émir, et établit son camp à cinq lieues d’Oran, dans la belle vallée de Tlélat. Abd-el-Kader était plus loin sur les bords du Sig, où il assemblait ses fidèles La forêt de Muley-Ismael le séparait de nous. Le général, voyant ses convois et ses fourrageurs surpris et enlevés derrière lui, résolut d’aborder Abd-el-Kader avant que celui ci eût assemblé toutes ses forces. Les passages accidentés de Muley-Ismael, où nous devions bien souvent retrouver les Arabes, nous furent vivement disputés. L’ennemi fut pourtant refoulé sur les bords du Sig ; nous n’avions plus que pour quatre jours de vires, et l’émir, qui comptait sur de nouveaux renforts, nous retint là deux jours en négociations dilatoires. Il fallut enfin songer à la retraite ; c’est là ce qu’attendait Abd-el-Kader pour tomber sur nous. La colonne prit la direction d’Arzew par des chemins inconnus où elle s’égara. Arrivée au confluent de deux rivières, à la Macta, elle vit une issue dominée à sa gauche par des escarpemens boisés limitée à droite par des marais ; mais Abd-el-Kader avait gagné notre colonne de vitesse,