et l’instruction des enfans élevés par les marabouts, pour le service des pauvres et l’hospitalité des voyageurs. Cet impôt a deux formes : le zakkat, qui prend le centième des troupeaux ; l’achour, qui prend le dizième des fruits. Le lien social est en général assez faible parmi les montagnards de l’Atlas, et c’est en lui-même que le Kabyle cherche la protection que la communauté ne lui garantit pas. La puissance de l’individu est énorme en Kabylie, car elle est sans aucune pondération sociale. L'Arabe reconnaît une loi hiérarchique ; sa tribu est rangée sous un pouvoir patriarcal et même héréditaire : la Kabylie, au contraire est radicalement démocratique. À toute sommation, même à celle d’un marabout, le Kabyle répond : Moi chef, toi chef, ce qui équivaut à notre formule égalitaire : Un homme en vaut un autre. Comme signe et comme marque de la puissance individuelle, le Kabyle a trouvé l’anaya. L’anaya est un gage quelconque qui rend celui qui le donne responsable du mal qui arriverait à celui qui le reçoit. La considération d’un Kabyle est attachée au respect de son anaya, et elle se mesure au rayon que peut parcourir le gage respecté. L’affront fait à l’anaya engendre toujours une haine héréditaire et des vengeances sans limite. Lorsque, en 1844, au lendemain d’un combat sanglant, un aide-de-camp du maréchal accepta la mission périlleuse d’aller désarmer les tribus en révolte, il portait devant lui le gage du jeune cheik des Flissas, Ben Zamoun. L’autorité de l’aide-de-camp fut méprisée, mais le porteur de l’anaya revint sain et sauf, et Ben-Zamoun put, relever la tête avec orgueil.
Telle est la constitution politique de la région montagneuse de l’Afrique ou Kabylie, bien distincte de la région des plaines ou des plateaux. Cette région a résisté aux Visigoths et aux Sarrasins comme aux Turcs et aux Français. Le maréchal Bugeaud a cependant porté un grand coup à ces populations intrépides en découvrant le système de guerre qui pouvait amener le plus rapidement, le plus sûrement leur soumission ; il ne reste plus à notre armée qu’à achever son œuvre.
Jusqu’en 1830, et on peut dire jusqu’en 1841, notre conquête d’Afrique avait passé par tous les tâtonnemens que lui faisait subir la passion parlementaire. Il fallut discuter long-temps pour savoir si nous conserverions l’Algérie ; puis on se demanda si l’occupation devait être générale où limitée à quelques points du littoral ; puis encore, on voulut savoir quel système de guerre convenait le mieux et celui qui coûterait le moins cher. On critiquait ce qu’on avait fait, on se défiait de ce qu’on allait faire. Si l’on parlait aux chambres de voter un crédit pour une expédition, les chambres ne manquaient jamais de répondre