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le général Oribe, débarquèrent de Buenos-Ayres sur la côte orientale et vinrent relever le drapeau de l’indépendance tombé avec Artigas Dès qu’il s’agit de prendre les armes, surtout contre l’étranger, le gaucho, est toujours prêt ; la vie des camps n’a pas plus de misères pour lui que la vie de l’estancia, et elle lui offre de plus la chance du pillage sur une large échelle. Toute la campagne répondit à l’appel ; les débris des anciennes guerrillas se réunirent ; Lopez de Santa-Fe menaça vers le nord la frontière du Brésil, le gaucho Rivera, le soutint : Buenos-Ayres envoya une armée sous les ordres du générale Alvéar pour appuyer le mouvement. Mais l’empereur du Brésil tenait à cette conquête, qui lui assurait dans l’Amérique du Sud une attitude dominante. Il avait fait venir d’Europe un corps de six mille Allemands instruits aux manœuvres de la grande guerre ; il bloqua les côtes avec une quarantaine de bâtimens de guerre ; il éleva, dit-on, à trente mille hommes le chiffre de son armée et ne recula pas devant une dépense de plusieurs centaines de millions. Tout fut inutile, Alvéar battit l’armée brésilienne à Ituzaingo ; les troupes européennes s’évanouirent dans les déserts ; bientôt ce fut le tour du Brésil de défendre sa propre frontière, et lord Ponsonby, qui était venu pour assister à cette lutte dans un espoir bien différent, s’estima fort heureux de faire accepter au gouverneur de Buenos-Ayres sa médiation pour la convention préliminaire du 27 août 1828 qui fonda la province cisplatine en état indépendant sous le nom de république de l’Uruguay, et la constitua entre le Brésil et la Confédération Argentine avec des droits souverains, de la même façon que la Belgique a été établie entre la Confédération Germanique et la France. Le général Rivera fut le premier président de la république nouvelle (1829. à 1834). Cette république, ne l’oublions pas, n’était que conventionnelle ; elle n’était pas le résultat d’une forte individualité de race.

Est-il besoin d’insister pour faire comprendre comment la guerre fait passer sur ces pays un souffle de mort ? Les estancieros fuient à la ville, les gauchos, bouviers des estancias ou bouchers des saladeros, parcourent vallons et plaines la lance au poing comme les Tartares, la nation semble effacée ; les tribus sauvages flairent une proie et accourent ; les animaux, qui font la richesse des habitans, deviennent la pâture de tous les partis : aussi dit-on « qu’ils sentent la guerre ; » le désert reprend son empire. Mais telle est la force vitale de ces contrées, qu’au moindre calme la terre se repeuple, la richesse renaît soudain. La paix est la condition d’existence de l’État Oriental. Sans se préoccuper qui du Brésil ou de Buenos-Avres aura sur ses destinées une influence prépondérante, il demande en grace qu’on lui permette d’abord de vivre, qu’on laisse aux élémens dont il se compose le temps de contracter entre eux une certaine cohésion et de se fonder sur le