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et publié récemment, — l’essai sur le pouvoir exécutif, — que cette tendance, vivifiée et soutenue par les belles promesses de la révolution française non encore souillée, se produit avec hardiesse et avec éclat. Il est vrai que M. de Humboldt a considérablement modifié par la suite les opinions tant soit peu chimériques de ce premier essai. Le changement dans ses idées est survenu même, à ce qu’il paraît, d’assez bonne heure, puisqu’il l’a fait renoncer à la publication de l’opuscule quelques années seulement après qu’il en eut écrit la dernière page. Cette publication avait été d’abord contrariée par les circonstances, et lorsqu’un peu plus tard une occasion plus favorable se présenta, un changement trop profond s’était opéré chez M. de Humboldt pour qu’il pût accepter la responsabilité de cet écrit tel qu’il avait été premièrement conçu. Des occupations d’une nature toute différente l’empêchèrent d’en entreprendre la refonte totale, et le travail fut abandonné à l’obscurité où M. de Humboldt, après que sa première ardeur fut éteinte, l’avait relégué. Cependant, tout en apportant des modifications considérables à sa manière de voir, tout en s’écartant dans la suite sensiblement du plan de conduite qu’il avait tracé pour le gouvernement de ses rêves dans son traité sur le pouvoir exécutif, M. de Humboldt, on peut s’en assurer, a toujours respecté les principes généraux posés dans cet écrit : il a élargi seulement les limites dans lesquelles il avait d’abord circonscrit l’action de l’état ; il a tenu compte des révoltes incessantes de la réalité contre l’idéal, mais ses idées sur le but final des sociétés ainsi que sur la dignité et sur la félicité des citoyens sont restées ce qu’elles étaient.

M. de Humboldt, tel qu’il nous apparaît dans cette brochure, se montre directement contraire à l’opinion de Pascal sur l’homme ; à ses yeux, l’homme n’est pas une créature dégradée, faible, incohérente, inconséquente, remplie de vanités et de contradictions, qui, sans le secours du ciel, ne pourrait se relever de l’abjection où une première faute l’a plongée : c’est, au contraire, un être qui porte en lui les germes de toutes les perfections, qui ne se ment et n’agit que pour les développer. Il peut s’égarer et empiéter par ses égaremens sur l’existence et les droits de ses semblables ; dans ce cas, la société intervient pour réprimer et réparer ; elle rétablit l’ordre qui a été troublé et cherche à prévenir le mal par l’exemple salutaire d’une punition que M. de Humboldt ne veut pourtant pas trop sévère. Quant aux modes et moyens nombreux qui s’offrent à l’homme de donner carrière à son activité, soit pour s’assurer de ses énergies, soit pour accroître son bien-être, l’état ne doit point, selon M. de Humboldt, à moins d’une invasion trop directe dans le domaine d’autrui, se mêler de les réglementer ou s’arroger le droit de les contrôler. M. de Humboldt ne veut pas que l’état entrave, par la mise en pratique d’une théorie préférée, la liberté des transactions commerciales, ou comprime par une police préventive les manifestations de la pensée. Bien qu’il parle avec un respect profondément senti, et même avec une sorte d’enthousiasme, de l’excellence du mariage indissoluble, il est d’avis que l’autorité s’abstienne, sans négliger les droits des mineurs ou porter préjudice au progrès désirable de la population, de s’ingérer dans les relations domestiques et familiales des citoyens. Toutefois ce qui caractérise le plus nettement la personnalité de M. de Humboldt, ce sont ses idées en matière de religion, c’est ce spiritualisme indépendant et quelque peu sentimental